«(...) Mes personnages sont, en général, furieux d’être nés, comme moi, comme beaucoup de gens. (...) Les gens s’adressent aux autres pour leur dire cette colère. Adramélech, par exemple, parle aux spectateurs, aux spectateurs présents mais aussi aux spectateurs célestes. Il y a toujours un spectateur. Même quand on est seul, on est plusieurs. (...) Dans la vie, le monologue n’existe pas. Il n’y a que des dialogues. Ainsi Adramélech est propulsé sur la scène et il commence par interpeller son créateur. Il est vraiment furieux, dès sa première seconde, comme les enfants humains sont furieux, à la première minute. Après, cette rage se module, se transforme. Elle devient des phrases, du langage, du chant, de l’harmonie... mais, au départ, il y a une colère des poumons. (...)»

Valère Novarina, «L’autre journal» (avril 1985), propos recueillis par Olivier Kaeppelin

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«Adramélech ! Adramélech ! (Il entre.) Satanés marmillards de billons d’apparents ! Six cent quatre-vingt-dix mille millions de trilliards de billions ! L’Adramélech, son labeur est à son comble. Adramélech ! ... Sire ? Je t’ai formé de limon. Et où je vais ? Bien à l’abri sous ton paletot de planches ronger ta souche vite éclusée. Oui Diable, j’y vais c’est sûr à toute vitesse. Ainsi je parle à celui qui me lorgnerait et m’épierait par la lunette. Les neuf quarts de nos vies sont mangés en heures stupides de stances de staces de va-et-vient ! Nous lèverons nos bras et votre tête va tomber. Ah je suis mal content de ma vie de trajet à stations ridicules ! Ma tête est trop triangulaire, pas assez ronde à mon idée : mes bras sont bons, pas assez longs et m’en manque huit pour en faire dix.»

Valère Novarina, extrait du début du «Monologue d’Adramélech» (Editions P.O.L)