theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Le Grenier »

Le Grenier

+ d'infos sur le texte de Yôji Sakate traduit par Corinne Atlan
mise en scène Jacques Osinski

: Extraits

14
La peluche


Un espace éclairé par une lampe à parfum bleue.
Dans un coin, une JEUNE FEMME face à une peluche.
Quand elle la frappe, la peluche émet une phrase enregistrée.
De l’autre côté, se trouve FRERE AÎNÉ, un sac à la main. Il sort un globe terrestre du sac et le fait tourner. La JEUNE FEMME à la peluche se retourne, attirée par le bruit.


FRERE AÎNÉ - Si tu continues à parler à ta peluche, moi je vais faire pareil (…) Ce ne sont pas tes parents qui me l’ont demandé, je le fais pour moi. (…) (Il fait tourner le globe). Je l’ai depuis que je suis petit. Dès que j’ai eu assez d’argent de poche, j’ai acheté le plus petit et le moins cher que j’ai pu trouver.


JEUNE FEMME - (…)


FRERE AÎNÉ - J’avais un petit frère. Il était intelligent. Beaucoup plus jeune que moi mais pour certaines choses, il était meilleur que moi. Quand il s’en rendait compte, il ne disait rien. Quand je faisais des bêtises, que je chapardais ou mentais à mes parents, il ne disait rien non plus. Lui il se comportait toujours honnêtement. il était incapable de mentir ou de ne pas respecter les règles. (…) Quand je lui demandais comment c’était possible, il disait que c’était parce qu’il suivait mon exemple.


FRERE AÎNÉ est sur le point de faire tourner le globe à nouveau, mais ses doigts hésitent.


FRERE AÎNÉ - Quand j’ai commencé à faire de l’alpinisme il s’est inscrit dans le même club que moi. On a fait tourner le globe et on s’est promis de mettre une marque sur tous les sommets que l’un de nous deux aurait gravi. Une fois au sommet on regarderait lentement autour de nous à 360 degrés. Comme ça, si on escaladait tous les sommets, cela voudrait dire qu’à nous eux on aurait vu la terre entière.


Ses doigts ne touchent plus le globe, mais en dessinent les contours au-dessus (…) Noir.




23
Souvenir


Des gouttes d’eau dégoulinent du plafond, formant un réseau de lignes fines comme des toiles d’araignée. (…)
On entend le vent souffler au fond d’une grotte.
Deux silhouettes à peine visibles dans les ténèbres.
L’une d’elle est celle de FRERE AÎNÉ.
L’autre, celle de l’HOMME AU BONNET.
Il ressemble à un jeune homme en tenue d’alpinisme.
On entend leurs voix faiblement dans les ténèbres.


HOMME AU BONNET - Je crois qu’on est perdus.


FRERE AÎNÉ - Oui.


HOMME AU BONNET - Qu’est-ce qu’on va faire ?


FRERE AÎNÉ - Dans ces cas-là, il ne faut pas paniquer. Il faut regarder calmement autour de soi à 360 degrés, et on trouve un indice à coup sûr.


HOMME AU BONNET - En effet.


FRERE AÎNÉ - Je vais bientôt quitter le club, tu sais.


HOMME AU BONNET - Pourquoi ?


FRERE AÎNÉ - Je ne peux plus prendre de congés aussi longs. Je ne suis plus étudiant maintenant.


HOMME AU BONNET - (…) Je suis sûr qu’on va trouver le chemin du retour.


FRERE AÎNÉ - Tu ne te perds jamais, toi ?


HOMME AU BONNET - (…) Quand je me perds, je tends l’oreille.


FRERE AÎNÉ - Qu’est-ce que tu entends ?


HOMME AU BONNET - (…) Le bruit du vent. Le bruit de l’eau qui bout dans la cuisine. je ne sais pas si c’est proche ou lointain, mais j’entends passer des bus et des métros aussi. Le signal du passage à niveau. Le ronflement d’un vieux ventilateur. (…) Et puis le grincement du globe terrestre que tu fais tourner. Les bruits qu’on entendait, cachés dans le grenier tous les deux.


FRERE AÎNÉ - (…) Oui.


HOMME AU BONNET - Tu te souviens ?


FRERE AÎNÉ - Oui, je me souviens.


HOMME AU BONNET - C’est vrai ?


FRERE AÎNÉ - Chaque fois qu’on se perdra à l’avenir, on n’aura qu’à revenir ici.


HOMME AU BONNET - (…) Tu n’as pas encore remarqué ? On y est.


FRERE AÎNÉ - Où es-tu ?


HOMME AU BONNET - Je suis au même endroit depuis le début.


FRERE AÎNÉ - (…)


HOMME AU BONNET - L’endroit de la Terre que je préfère. Le sommet du monde. La base secrète d’où on partait à l’aventure. Le lieu où on s’est promis de toujours se retrouver quoiqu’il arrive.


FRERE AÎNÉ - (…) Alors je suis arrivé, enfin.


HOMME AU BONNET - Oui, tu es arrivé.


Les ténèbres s’approfondissent graduellement. (…) Il ne reste que le sifflement du vent dans les airs.

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.