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Le Drap

+ d'infos sur le texte de Yves Ravey
mise en scène Laurent Fréchuret

: Extrait

« Elle arrangeait ses habits, le peignait et le parfumait.
Puis elle a dénoué ses doigts et elle a déposé un oeillet dans ses mains jointes à hauteur de sa poitrine. Pour la première fois, j’ai vu mon père dans une chemise blanche et une veste au col impeccable. Laine et tergal, a dit ma mère quand elle a extrait le costume de sa housse plastique en faisant glisser la fermeture, et je me demandais quel habit sortirait de l’enveloppe au moment où elle-même me demandait si je me rendais compte que la maladie était partie comme elle était venue. Puis elle m’a écouté lui parler.


Les employés des pompes funèbres, avec qui j’avais repeint, l’année précédente, les piquets du terrain de football, allaient frapper à la porte. Réveillé à sept heures chaque jour, je passais les vacances scolaires à peindre à l’ombre des tribunes. C’est la règle, avait dit le secrétaire de mairie, qui était aussi secrétaire de l’Harmonie municipale, tu peins le matin la partie à l’ombre des tribunes et quand le soleil est trop haut, tu quittes le stade, puis tu reviens le soir et tu peins la partie qui est à l’ombre des tribunes, et c’est ainsi qu’on se distribuait le travail.


Je disais à ma mère qui me demandait pour quelle raison je m’étais arrêté de parler : Tu devrais me dire pourquoi dans cette chambre, nous baignons dans tant de lumière, et c’était vrai, nous étions tous les deux devant le lit et ma mère baignait dans une belle lumière orange.
Je lui ai dit qu’elle devait maintenant me donner les factures laissées par mon père, que j’irai les payer le lendemain, je ne laisserai pas mon père disparaître dans son cercueil à l’arrière de la D.S. Citroën noire sans que ces factures soient réglées.
Puis elle s’est rendue compte qu’elle l’avait mal rasé et s’est baissée vers son blaireau posé sur le parquet dans son bol de mousse.
Sous le lobe des oreilles, m’a-t-elle dit, et sous le nez.
Elle a remis un peu d’eau prise dans une cuvette au pied du lit, en me demandant de tirer sur la peau de la joue, pour la tendre, et j’entendais craquer, remuer le corps de mon père. »

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