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La Route vers La Mecque

+ d'infos sur le texte de Athol Fugard traduit par Séverine Magois
mise en scène Jean-Marc Eder

: Note de mise en scène : Il faut jouer vite

Le théâtre est un art de la convention. Le spectateur s’appuie sur les codes de la mise en scène (style de jeu, éléments scénographiques - décor/costumes/lumière/son) pour construire sa réflexion et son imaginaire. Il est opposé en cela au cinéma qui lorsqu’il se veut réaliste ne peut que filmer la réalité. Comme disait Ariane Mnouchkine : « Au théâtre, un acteur seul sur un plateau nu peut dire : je suis dans une forêt, le spectateur la verra ; au cinéma la forêt devra être présente sur l’écran ou bien le spectateur pensera : c’est du théâtre. » C’est pourquoi il n’est pas juste de penser que le théâtre réaliste ne puisse se passer d’une forme théâtrale affirmée lorsqu’on le met en scène. Pour reprendre l’exemple de Tennessee Williams, on a bien trop souvent voulu reproduire les réalisations cinématographiques réalistes sur les plateaux, ce qui nous en a donné la plupart du temps une représentation ennuyeuse et lourde.
Mon intention première est donc de travailler cette pièce en déployant tous les éléments de mise en scène qui permettent de lui donner sa dimension métaphorique.


Par exemple, l’espace. Fugard a écrit cette pièce après avoir visité The Owl House. Il connaissait l’intérieur de chez Miss Helen. Les pièces peintes de grands aplats aux couleurs vives, aux grands motifs géométriques, recouverts de verre pilé pour accrocher la lumière. L’oeuvre d’art dans laquelle Miss Helen avait inscrit son quotidien. L’imaginaire de l’auteur s’est inspiré de ce cadre. Il s’agit bien d’un drame réaliste, mais qui se joue au milieu d’une oeuvre d’art. Il me semble donc indispensable de construire un espace qui soit aussi incongru que celui de la maison de Miss Helen. Je ne souhaite pas pour autant reproduire ce qui existe à New-Bethesda, ce qui anecdotiserait le propos. J’ai donc choisi de demander à un jeune plasticien, Alexophe, de travailler à partir des photos que j’avais faites sur place et de trouver une manière de synthétiser sa recherche personnelle et celle de Miss Helen. Nous en sommes arrivés à trois éléments scénographiques. Un plancher en ligne de fuite, comme une route, peint aux couleurs du spectre de lumière. Ce sera l’espace de jeu. L’intérieur. On y posera le mobilier nécessaire. Une table, un lit, un fauteuil, quelques chaises... Ce plancher devra se perdre dans l’espace tel un îlot dans le désert.
Un grand rideau brûlé. Celui auquel Miss Helen a mis le feu quelque temps auparavant. Mais aussi celui que le pasteur a fermé le soir de l’enterrement du mari de Miss Helen, consacrant son veuvage comme une réclusion. Sur ce rideau pourront apparaître, esquissées, la multitude des figures inventées par Miss Helen. Il sera le lien avec le monde extérieur.
Enfin cinq panneaux de plexiglas mobiles. Sur une face on reconnaîtra des détails photographiés de l’œuvre sculptée de Miss Helen. Sur l’autre Alexophe interviendra par un travail pictural instinctif comme dans Apologie 8 (voir ci-dessus). Comme les traces d’un art premier. Ces panneaux permettront d’introduire au sein de la pièce des rythmes spatiaux et temporels qui s’appuieront sur des moments dramaturgiques clefs. Comme l’entrée d’Elsa ou bien celle du Pasteur.


Les créations lumière et son pourront nous aider à appréhender le contexte géographique : le désert et l’Afrique. Ce qui est le plus étonnant lorsqu’on voyage en Afrique du Sud pour un Européen, c’est qu’on y trouve de nombreuses similitudes avec notre continent - architecture de la colonisation et style de vie à l’européenne - mais que l’on est en Afrique. Comme une mise en abyme de notre société. La mise en scène devra donc nous donner l’impression d’une proximité par le mobilier, les costumes, le jeu et en même temps ce léger déplacement de notre regard.


En ce qui concerne les acteurs, j’ai souhaité rassembler un trio aguerri, ayant une grande pratique de la scène. C’est un texte qui demande de la virtuosité. Les intentions doivent être données vivement, les adresses précises, il ne faut surtout pas s’appesantir. Il faut jouer vite. L’aspect psychologique doit être toujours gardé au second plan pour faire confiance à la situation dramatique. Avec Séverine Magois, qui traduit le texte, nous effectuons un travail de précision sur les rythmes de la langue anglaise, très souvent elliptique par opposition à notre langue qui développe le sens, et ceci pour faciliter le travail des acteurs.


Pour finir, il me semble que pour donner à cette pièce toute son ampleur, le travail de répétition devra être toujours attentif à déjouer l’impression première de drame psychologique et traiter le texte comme une épopée sur la liberté.

Jean-Marc Eder

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