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La Nonne sanglante

+ d'infos sur le texte de Thomas Canonne
mise en scène Thomas Canonne

: Présentation

Notes


La Nonne sanglante est le dernier volet de L’Enfer des Cerises, triptyque théâtral qui comprend les deux autres spectacles : Le Moine (opéra) et Je vous salue Jarry (vélodrame). Après le Notre Père et le Fils Indigne, voici donc le Mauvais Esprit. Ce dernier volet est pour les Cerises l’occasion d’aborder plus particulièrement le fantastique au théâtre, et d’expérimenter un traitement différent du rapport texte – musique.


Le Texte
La Nonne sanglante est un texte original écrit par Thomas Canonne en 2004.
L’argument est tiré d’une légende allemande du Moyen-Âge relatée par le conteur Joan Karl Auguste Musaeus vers 1760. En outre, l’écriture s’est librement inspirée des différentes versions qu’en ont données Matthew Gregory Lewis (in Le Moine, 1796) et, au XIXème siècle, Charles Nodier et Eugène Scribe.
Au château de Lindenberg, Raymond et Agnès s’aiment éperdument, amour désapprouvé par les tuteurs de la jeune fille. Un fantôme, la « Nonne sanglante », hante le château une fois par an ; date à laquelle, selon l’usage, on laisse la porte principale ouverte. Mettant la légende à profit, les deux amoureux conviennent d’un enlèvement… Une histoire de poignard, de philtre d’amour, de sixième doigt, de château hanté et d’auberge maudite, peuplée de brigands, de revenants et de kabbalistes…
Racontée par amour des histoires, goût de l’humour et du merveilleux.


La Mise en scène
Si le texte est écrit comme un livret d’opéra, il n’est cependant pas souhaitable qu’il soit entièrement chanté, du moins de façon « lyrique ». Certaines scènes sont traitées sur le mode du théâtre « pur », du cabaret, de l’opérette ou de la technique dite du Sprechgesang. Théâtre « pur » : il s’agit ici pour le Théâtre des Cerises d’une nouvelle étape dans la direction d’acteurs et d’un désir pour les comédiens de s’engager plus loin dans le jeu, vers une expression plus réaliste du sentiment.
Et certes, si dans les deux premiers volets du triptyque, les personnages faits d’un bloc, quasi pantins ou « caractères» appelaient un jeu sinon distancié, très codifié, La Nonne présente des figures complexes, un texte plus dense. Le style délibérément désuet, empesé, s’accorde avec la lourdeur des costumes d’époque, démarche sublime du héros empêtré dans ses robes ou son armure. Entre justesse du sentiment et extravagance de l’imaginaire, le jeu, tout comme le texte, flirte constamment avec le grotesque et le tragique. C’est d’ailleurs là, que peut poindre la véritable tragédie. A défaut d’ «opéra », le terme de fantasmagorie nous paraît assez bien définir La Nonne : « art de faire apparaître des fantômes par illusion d’optique dans une salle obscure à la mode au XIX ème siècle ». L’illusion, toutefois, devra être constamment soulignée, abîmée, dénoncée. En fait, assumée comme une part du jeu, du spectacle.


La mise en scène laisse un flou sur l’époque où se déroule l’action afin d’en préserver le caractère intemporel, l’enjeu étant la pseudo-construction d’un mythe paré de tout l’éclat de nos désastres imaginaires. Ainsi se côtoient des costumes réalistes mais d’époques différentes (Moyen-âge, XVII ème siècle, Second Empire).


Dans cet entremêlement d’intrigues, de motifs absurdes, angoissants et comiques, cette profusion de personnages, d’animaux et d’espaces, il y a déjà quelque chose de proprement fantastique.


Que le spectacle tienne à la fois du film d’épouvante, du roman noir, de l’épopée lyrique, du concert rock, et soit en même temps un pur et jubilatoire moment de théâtre.


La scénographie
Le dispositif scénique est le suivant :
En avant scène et sur le théâtre : l’espace de jeu ; au centre : l’orchestre ; au lointain : la coulisse ou vestiaire.
L’espace de jeu est nu, neutre, lieu du possible, « pauvre chambre de l’imagination », et tréteau du saltimbanque. Entre deux scènes, deux rôles, les comédiens-musiciens, redevenus neutres, viennent relayer leurs partenaires dans l’orchestre, pareils à ces inconnus qui parfois dans les rêves, évoluent au second plan.
La scénographie consiste essentiellement en un travail sur les lumières. (Nous pensons notamment à l’éclairage de certains films comme La belle et la bête de Cocteau où un pan de mur pris dans le halo d’une bougie suffit à évoquer une muraille).
Pas de décor, donc, sinon le théâtre puis l’obscurité, le noir, la nuit. Apparu dans cette nuit le comédien, avec son corps, sa présence, crée l’espace et fait exister portes, cavernes, etc. Réalités parfois condensées par certains objets/accessoires – un lit, un carrosse - également «apparus» (et sujets à disparaître, donc mobiles). Gageons que le public, avec sa fantaisie, fera le reste.


La musique
« Nous vivons une époque épique et nous n’avons plus rien d’épique ».
Cette citation de Léo Ferré a valeur de définition : l’épique défini par sa disparition.
L’épique est toujours imaginé.
C’est « l’éclat de nos désastres imaginaires ».
C’est la catastrophe célébrée.
(De là vient aussi son caractère fantastique).
Tom Waits voulait que la musique du « Black rider » soit « belle comme l’épave d’un vieux train qui a déraillé ».


L’épique est poignant parce qu’il n’existe pas, parce que l’on sait qu’il est inventé.
La musique qui se passe du réel en ce qu’elle crée pour chacun un passé, un présent, un futur imaginaires est le véhicule parfait de l’épique.
Donc pas de potache, pas d’anecdotique, pas de blague : l’épique exclut l’humour (Don Quichotte n’a aucun humour).
De même, si la musique emprunte à des genres très différents comme le hard rock ou Mozart, éviter absolument le « clin d’œil ».
Si la Nonne est incontestablement une comédie et même une farce, les compositeurs doivent quant à eux l’aborder comme une tragédie.


Se rappeler la musique d’église, l’orgue dont la vocation première était de terroriser les fidèles. C’est ici le jeu des saltimbanques (et des Cerises).


La musique a une fonction épique.
Elle évoque cet univers souterrain de brigands, de revenants, de kabbalistes...
Elle fait miroiter une doublure secrète de la réalité, laquelle, tel un inconscient très actif (l’inconscient de Raymond ?) se manifesterait en permanence de manière discontinue et envelopperait la vie d’un léger voile paranoïaque, monstrueux, tragique et sublime.
Comme le comédien avec son personnage, la musique ne porte pas de jugement sur la scène représentée ni ne la caricature, mais la défend, y adhère, la fait vivre avec exigence et vise avant tout à son expression juste.


Sur la pseudo construction d’un mythe :
« C’était la Nonne Sanglante voyez-vous !»
Le spectacle est l’aboutissement du spectacle : il y a La Nonne Sanglante réalité en soit qui n’a d’autre référence qu’elle-même. Les jeux de dualité, de résonance, d’écho qui constituent le fond même du livret ne disent pas autre chose. Les litanies, complaintes, balades et arias ont cette fonction.
Avec le retour de la Nonne Sanglante (acte V), le spectacle a accompli sa propre révolution, la figure de la Nonne ne renvoie plus a un modèle mais seulement a elle-même.
Toute l’affaire de la musique – et c’est là son grand rôle – est donc bien de délirer la Nonne Sanglante.


La musique de La Nonne Sanglante, composée collectivement par l’ensemble des artistes est interprétée sur scène, par les acteurs eux-mêmes. L’orchestre est constitué de guitares classiques et électriques, d’une basse électrique, d’un violoncelle, d’un violon, d’une clarinette, d’une flûte traversière et d’une flûte à bec, d’un saxophone, d’une trompette, d’un hautbois, d’une scie musicale, d’une batterie, d’un clavier, de diverses percussions : glockenspiel, gongs, chimes… et du vieux corps usé d’un piano démonté.

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