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La Maladie de la famille M.

+ d'infos sur le texte de Fausto Paravidino traduit par Caroline Michel
mise en scène Fausto Paravidino

: De Goldoni à Paravidino

Des auteurs italiens spectateurs de leur pièce à la Comédie-Française

« Comédie-Française » ! Ainsi se nomma la troupe du roi, détentrice du monopole du répertoire en langue française, par opposition à leurs concurrents les Comédiens-Italiens. L’un des premiers auteurs étrangers écrivant en français et joué à la Comédie-Française fut pourtant un dramaturge vénitien, invité à Paris par la Comédie-Italienne en 1761. Le souhait de Carlo Goldoni (1707-1793) de voir ses pièces jouées à la Comédie-Française fut exaucé puisque deux d’entre elles furent acceptées par les comédiens et créées en 1771 et 1776 : Le Bourru bienfaisant et L’Avare fastueux, adjectif qui serait trompeur s’il se rapportait à la fortune critique de la pièce et de son auteur mort dans la misère.
Depuis ses origines moliéresques, la Comédie-Française est un théâtre de répertoire contemporain, soumis à l’examen des comédiens dont le pouvoir décisionnel fluctue à partir du XVIIIe siècle. Les auteurs étrangers venus diversifier, depuis l’administration d’Émile Fabre (1915-1936), la programmation classique et contemporaine, peuvent parfois surprendre comme Gabriele D’Annunzio (1863-1938), dont la renommée internationale n’éclipse pas ses penchants pour le nationalisme. L’auteur de La Torche sous le boisseau est en 1927 le deuxième écrivain italien, depuis Goldoni, à être joué de son vivant, à la Comédie-Française.
L’existence d’un bureau des lecteurs examinant des textes, publiés ou non, pouvant éventuellement être mis en scène dans les salles du Théâtre du Vieux-Colombier ou du Studio-Théâtre affranchies de la procédure d’entrée au répertoire, illustre l’attention accordée au théâtre contemporain et/ou étranger. Depuis 2008, et au cours de deux cessions annuelles dont une consacrée au répertoire étranger, les spectateurs peuvent aussi se prononcer sur une présélection établie par le bureau des lecteurs, et distinguer ainsi une des pièces. Outre la mise en lumière d’auteurs reconnus mais peu connus en France, ces lectures permettent, par la comparaison qu’elles induisent, d’apprécier les spécificités de l’écriture théâtrale francophone et, par la présence des traducteurs invités sur le plateau, de rétablir l’importance de la traduction dans la production littéraire. Ainsi, en novembre 2008, le « groupe des spectateurs engagés » exprima sa préférence pour La Maladie de la famille M. de Fausto Paravidino, choix pris en compte par Muriel Mayette qui programme aujourd’hui sa mise en scène au Théâtre du Vieux-Colombier.
Depuis D’Annunzio et parmi les auteurs italiens contemporains présentés dans les différentes salles de la Comédie-Française, le Milanais Dario Fo (né en 1926) et le Sicilien formé à Milan, Spiro Scimone (né en 1964), ont précédé leur jeune compatriote Paravidino (né en 1976). Dans le foisonnant secteur théâtral italien cependant moins prospère depuis la fin des années 1980, ces trois dramaturges présentent quelques similitudes. Acteurs avant d’être auteurs et metteurs en scène, tous trois s’inscrivent dans une tradition italienne, incluant De Filippo, que l’on peut faire aussi remonter à Molière… Les pièces de Fo et de Paravidino témoignent d’un intérêt pour l’actualité sociale et politique allant parfois de pair avec un militantisme voire, pour Fo, un engagement politique. Après le récit, entre autres, de la défenestration de l’anarchiste Pinelli par Fo dans Mort accidentelle d’un anarchiste (1970), une autre forme contestataire, l’altermondialisme, est traitée par Paravidino dans Gênes 01[1], probablement sa pièce la plus connue relatant les violences lors du sommet du G8 en août 2001. Les trois dramaturges ont aussi en commun d’être lauréats de nombreux prix. D’abord metteur en scène en 1989 à la Salle Richelieu du Médecin volant de Molière avant que ses textes ne soient interprétés au Studio-Théâtre par Guillaume Gallienne (Saint François, le divin jongleur[2] en 2006) et au Théâtre du Vieux-Colombier par Catherine Hiegel (La Naissance du jongleur dans La Confrérie de farceurs[3] en 2007), Fo entre au répertoire de la Comédie-Française en 2010 avec Mystère bouffe et fabulages[4], treize ans après l’obtention du prix Nobel de littérature. En 2005, Fausto Paravidino présenta son film Texas à la Biennale de Venise où, trois ans auparavant, Spiro Scimone remporta le prix du meilleur premier film pour l’adaptation cinématographique de sa propre pièce Nunzio.
La Festa, écrite en 1997 et traduite en français par Valérie Tasca, est la troisième pièce de Scimone. Souvent sur le thème de l’enfermement, il écrit principalement des « partitions à jouer » à deux ou trois comédiens, pour son complice Sframeli et lui-même. Ici, il confronte des parents et leur fils, incarnés par Christine Fersen, Gérard Giroudon et Serge Bagdassarian, nouvellement pensionnaire.
Galin Stoev, metteur en scène bulgare de cette Festa, refuse de la « réduire à une caricature des seuls travers étouffants de la vie de famille sicilienne ». L’amère expérience de trente années partagées et routinières est observable par le spectateur à travers deux tubes de verre cylindriques faisant office de cuisine et de salle de bain. La pièce permet à Galin Stoev de réaliser sa première mise en scène française[5] et de servir le répertoire contemporain qui, par son caractère inédit, recèle « quelque chose d’inachevé », déléguant à l’acteur une responsabilité entièrement partagée avec l’auteur.
Contrairement à La Festa de Spiro Scimone, La Maladie de la famille M.[6], traduite par Caroline Michel, est mise en scène au Théâtre du Vieux-Colombier par son auteur, Fausto Paravidino. Un éclairage doublement personnel est ainsi porté sur une oeuvre contemporaine que la répartition et la spécialisation croissante des tâches nous ont, depuis l’avènement du métier de metteur en scène au milieu du XXe siècle, habitué à regarder différemment. Au Théâtre du Vieux-Colombier, Andrés Lima et Emmanuel Darley ont coécrit et monté leur texte, Bonheur ? en 2008, suivis, dès l’année suivante, par Lars Norén avec Pur. Le désir d’un dramaturge de mettre en scène sa propre oeuvre peut être réalisé aussi sur le plateau de la Salle Richelieu avec, récemment, les entrées au répertoire du Suisse francophone Valère Novarina (L’Espace furieux en 2006) et de Michel Vinaver (L’Ordinaire en 2009). Au-delà de la connaissance de la production théâtrale étrangère, La Maladie de la famille M. écrite et montée par le même artiste, ne pose donc pas les habituelles questions de la fidélité à l’oeuvre et de la confrontation des regards, mais nourrit l’appréciation d’une seule subjectivité, qu’il y ait, lors du processus de création, interaction ou imperméabilité entre écriture et mise en scène.


Florence Thomas, archiviste-documentaliste à la Comédie-Française, décembre 2010.

Notes

[1] Genova 01.

[2] Mise en scène de Claude Mathieu.

[3] Chefs de troupe François Chattot et Jean-Louis Hourdin.

[4] Mise en scène de Muriel Mayette.

[5] En 2008, il met en scène L’Illusion comique, Salle Richelieu.

[6] La malattia della famiglia M.

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