: Visions d’un monde survolté
C’est en découvrant, fasciné, la représentation des Sept Péchés capitaux de Jérôme
Bosch au musée du Prado à Madrid que le dramaturge argentin Rafael Spregelburd a eu
l’idée de produire sa propre version de cette oeuvre. Il s’est aussitôt attelé à la tâche avec
pour objectif d’illustrer à sa manière ce qu’il considère comme l’équivalent contemporain
des sept péchés capitaux. À la clef, un ensemble ambitieux – encore inachevé – de sept
pièces de théâtre intitulé Heptalogie de Hieronymus Bosch. Dans cette série, La Estupidez (La Connerie) occupe la cinquième place, après Le Dégoût, L’Extravagance, La Boulimie et La Modestie. Autant de titres qui, selon l’auteur, ne contiennent aucune
ironie. C’est en tout cas avec La Estupidez que le public français va pouvoir enfin
découvrir ce dramaturge de trente-huit ans encore jamais joué par chez nous. Et c’est
heureux car le théâtre de Rafael Spregelburd ne ressemble à aucun autre. Marcial Di
Fonzo Bo, qui connaît bien l’auteur, a eu la riche idée de mettre en scène ce texte
décapant. Pour commencer, tout se passe non loin de Las Vegas dans des chambres de
motel. Cinq comédiens y interprètent à un rythme d’enfer vingt-cinq personnages tous
très agités. Le talent de Spregelburd tenant notamment dans sa capacité à mélanger les
formes, à jongler avec des genres très différents. Du mélodrame dans un esprit sitcom au
road movie, de Pinter à Tchekhov avec un détour par Quentin Tarantino, on est emporté
dans un maelström étourdissant. À sa manière, Rafael Spregelburd met en scène le
chaos, c’est-à-dire un monde en dérive qui n’est plus soutenu par une force centrifuge.
« Où est la déviance quand il n’y a plus de centre ? La transgression est-elle encore
possible quand il n’y a plus de loi fondatrice ? », s’interroge-t-il notamment. Pour faire
exister cet univers en surchauffe, Marcial Di Fonzo Bo a fait appel à des comédiens de
choix, puisque, outre lui-même, on retrouve à ses côtés Marina Foïs, Pierre Maillet,
Grégoire Oestermann et Karin Viard.
Après avoir fait redécouvrir Copi dans des versions aussi drôles que détonantes, Marcial
Di Fonzo Bo poursuit son oeuvre de passeur avec cette première mise en scène dans
notre langue d’une oeuvre essentielle de Rafael Spregelburd.
Hugues Le Tanneur
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