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La Dérive des continents

Philippe Saire ( Chorégraphie ) , Antoinette Rychner ( Texte )


: Notes de mise en scène

L’expérience m’a convaincu que la coexistence du texte et du mouvement non-naturaliste génère une étrangeté porteuse de sens, et c’est sur cette étrangeté que je me suis appuyé pour les choix de mise en scène.


Le postulat de base étant que le corps révèle des éléments que le texte ne donne pas, d’autres situations, des intensions cachées, souterraines, voire contradictoires ou complémentaires à ce qui est dit. Par « mouvements non-naturalistes », j’entends une gestuelle qui ne soit pas celle du quotidien, ni davantage rattachée à des codes de danse, mais une gestuelle décalée, inventée à partir d’une interprétation et d’une lecture personnelle du texte.
S’est élaboré ainsi un spectacle à la frontière, où les champs théâtraux et chorégraphiques s’imbriquent dans une partition très précise, établie en lien étroit avec le texte et la dramaturgie.
Cette partition s’est encore complexifiée par le fait que nous assemblons sur scène, tout au long du spectacle, trois machines Golberg, agencements de réactions en chaîne, qui rejoignent le domaine des arts plastiques et évoquent, de manière très décalée là-aussi le mélange d’impondérables et de prédestination qui constitue L’Odyssée.
Ainsi, tous les éléments scéniques se jouxtent, se superposent, corps, texte, fabrication, son, espace et lumière, en questionnant continuellement la valeur intrinsèque que chacun peut prendre, à tout instant, et quelles évocations il sollicite.


Liée à tous ces éléments, une couleur m’importe beaucoup dans ce travail de mise en scène : l’affirmation de la fabrication, la révélation du processus, qui touche parfois ici au bricolage. Pour plusieurs raisons:
Pour garder une forme de légèreté par rapport à des thématiques de base (voyage initiatique, épreuves,…) qui pourraient endosser une certaine pesanteur qu’il importe de déjouer.
Parce que ce mélange de disciplines, d’acteurs et danseurs, est en soi une forme de bricolage, que les liens et articulations se cherchent, et que le fait que ça se cherche, ça se fabrique sous nos yeux constitue une part le projet.
Parce que j’ai une tendresse particulière pour notre désir de crédulité à toutes et tous, notre nostalgie de l’innocence. Et que j’adore, comme spectateur, être transporté alors qu’on m’a dévoilé tous les trucs.


Explorer L’Odyssée, la bricoler, c’est ailleurs la raison fondamentale de la présence des quatre protagonistes du spectacle. Un peu à la manière dont Al Pacino explore Richard III dans « Looking for Richard » : pour l’exploration elle-même, pour éprouver ce qu’une prise de rôle leur fait, pour reproduire des séquences élaborées, pour être ensemble.


Il ne s’agit donc pas ici de raconter L’Odyssée ou de garantir une fidélité au récit, mais de se l’approprier très librement. Et de laisser place à ce que cette appropriation génère, dans les relations entre les quatre personnages, dans ce qui nous est révélé de leur personnalité, dans les enjeux qu’ils y déposent.
Disons aussi que l’épopée se dissout dans leurs préoccupations individuelles. Qu’Ulysse dérivait d’une terre à l’autre, et que pour eux, c’est la terre sous leurs pieds qui dérive.

Philippe Saire

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