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L'Acte inconnu

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mise en scène Valère Novarina

: Questions

Questions à Valère Novarina


PASCAL OMHOVÈRE – Les quatre mouvements de L’Acte inconnu, «L’Ordre rythmique», «Comédie circulaire», «Le Rocher d’ombre», et «Pastorale égarée » sont-ils comme autant de pièces mises ensemble ?


VALÈRE NOVARINA – Non. Plutôt quatre phases d’une métamorphose, quatre temps. Comme il y a quatre sens dans toute écriture : le sens littéral, le sens symbolique, le sens moral, le sens anagogique – dont le nom latin (sursumduction) dit bien ce qu’il est : un sens à l’arraché.


P.O. – Avant L’Acte inconnu avez-vous envisagé d’autres titres ?


V.N. – «Transfiguration» justement (qui est le même mot que «Métamorphose ») ; puis « La Parole portant une planche », «Comédie circulaire », «L’Amour géomètre », et enfin «L’Acte inconnu». Ces titres étaient aussi une façon de commencer à dialoguer avec PhilippeMarioge qui jusqu’aux répétitions n’a eu que le titre de la pièce dans les mains.


P.O. – Quelle est la spécificité de L’Acte inconnu ?


V.N. – Certains lecteurs me disent que c’est la naissance, d’autres la résurrection des morts, d’autres l’empire des langues, d’autres la délivrance que peut opérer en nous la parole… Il en est d’autres… Chacun doit apporter son rocher d’ombre à la pièce et le déposer en son centre, en son coeur. Ce dont on ne peut parler c’est cela qu’il faut dire.


P.O. – Vous avez introduit une dormition dans la pièce…


V.N. – J’ai vu pour la première fois la représentation d’une dormition en mosaïque à Kariye Camii à Istanbul ou à St-Sauveurin- Chora à Constantinople : le Christ debout perpendiculairement au corps de la Vierge «morte » (entre guillemets justement parce que la mort lui est évitée) sort, dresse, libère son âme représentée sous la forme d’un petit enfant emmailloté. Il lui rend la naissance ; il lui donne vie à son tour.


P.O. – Vous reprenez des chansons de L’Origine rouge et de L’Espace furieux, quel rôle jouent-elles ?


V.N. – Comme le rêve et comme bien des scènes de notre vie, L’Acte inconnu est une réminiscence, une remémoration, une anamnèse. Pour ne pas oublier. Ce que nous oublions se retourne toujours contre nous et nous devons profondément nous souvenir pour repartir à l’aventure. Les deux chansons qui étaient chantées par Daniel Znyk dans L’Origine rouge et L’Espace furieux seront entendues autrement.


P.O. – D’autres scènes emblématiques reviennent, comme celles des maisons, du repas, des prophéties,…, ces resurgissements sont ils comme obligés ?


V.N. – Toutes les réminiscences ont lieu au deuxième plan; elles constituent un fond sur lequel apparaît en clair le théorème nouveau exposé par Raymond de lamatière au second acte de L’Acte inconnu.


P.O. – Des souvenances de La Genèse, des tentatives d’interprétation de rêves structurent, soutiennent la pièce. De quoi L’Acte inconnu cherche-t-il à se souvenir ?


V.N. – Des premiers mots que nous avons prononcés une fois sur terre, de notre étonnement de parler. Et de voir le monde devant nous se transformer sous l’effet de l’hormone du langage, comme le prétend le Coureur de Hop lorsqu’il assiste Raymond de la matière dans ses expériences concluantes de l’acte II.


P.O. – Dans la pièce, Christian Paccoud interprète l’Esprit, d’où lui vient ce nom ?


V.N. – Parce qu’il souffle où il veut. Où plutôt parce que ses mains soufflent : il joue de l’accordéon depuis l’âge de six ans. Il respire avec ses mains. Comme tout artiste vrai pense avec ses mains.


P.O. – Qui est l’Ouvrier du drame ?


V.N. – Richard Pierre, notre régisseur. Sans lui le drame n’opère pas, sans lui l’oeuvre n’a pas lieu. C’est par lui que L’Acte inconnu doit être pour chacun des spectateurs opérant.


P.O. – Qu’est-on en droit d’attendre qu’il advienne chaque soir ?


V.N. – Un renouveau. Dépouiller le vieil homme. Tuer la mort. Changer de saison. On attend ça.


Entretien avec VALÈRE NOVARINA
réalisé par PASCAL OMHOVÈRE, le 6 juin 2007.




Questions à Philippe Marioge


PASCAL OMHOVÈRE – Quelles sont les motivations, le motif de ce nouveau décor ?


PHILIPPE MARIOGE – La motivation d’un petit cirque dans un grand, me disait Valère Novarina à l’orée du projet… Mais le grand motif de ce décor, c’est de faire en sorte que la matière du langage parvienne à deux mille personnes sans aucune perte d’énergie.


P.O. – Fait-il suite à ceux de L’Origine rouge, La Scène, L’Espace furieux, ou s’inscrit-il dans une rupture ?


P.M. – Ilme semblerait plus juste d’évoquer une suite progressive. Je suis comme un traducteur des évolutions de l’auteur... Avec Valère Novarina, je sens à la fois une évolution dans l’écriture, les désirs, les intentions de mise en scène. Dans L’Origine rouge et La Scène, par exemple, il y avait comme une nécessité d’aller toucher à des zones obscures de notre sensibilité, ce qui nous a mené naturellement vers un espace plus noir. Il y avait une volonté de dramatiser. Par contre, pour L’Espace furieux, deux éléments nouveaux, surprenants, sont apparus : d’une part, une luminosité, quelque chose de l’ordre de l’espoir. Mais surtout, un changement de la règle que l’on tenait depuis le début, celle de l’« ici et maintenant » : on ne raconte pas une histoire en étant dans une fiction, un lieu fictif… on est au théâtre aujourd’hui, on est dans la réalité de la représentation « ici et maintenant », on est sur un plateau nu où tout est à vue. Et les contraintes liées à la salle Richelieu de la Comédie-Française ont fait que l’on s’est retrouvé avec un décor entièrement construit. Une boîte, qui n’appartenait qu’à L’Espace furieux, faite de plastiques peints, et qui pouvait recevoir la lumière. Un sol blanc. L’Acte inconnu est dans l’élan de L’Espace furieux. Même dans les intentions de Valère Novarina il me semble… Par exemple le côté plus simple et joyeux.


P.O. – Ce décor, que représente-t-il ?


P.M. – C’est une question qui me déroute un peu... Je n’ai pas l’impression de représenter quelque chose, mais s’il fallait trouver une formule, je dirais peut-être une machine optique obsessionnelle.


P.O. – Comment agit-il ?


P.M. – Il agit par structuration, concentration, réduction des distances des entrées et des sorties ; et deuxièmement par des formes aiguës, tranchantes, et des couleurs franches.


P.O. – À quoi peut-il se référer ?


P.M. – J’ai tout simplement pensé à la skéné,…À ce que dit Valère Novarina sur la «demeure fragile », la petite tente qui servait de coulisse aux acteurs au tout départ de la dramaturgie grecque qui s’est ensuite prolongée par un proscenium. Mais avec Valère, nous avons également beaucoup parlé des mystères du Moyen Âge, avec l’enfer, toute la déambulation du public face à des mini-décors qui arrivaient jusqu’au paradis. Dans L’Acte inconnu, on a imaginé une pyramide de jardin, le jardin à l’enfer : fond noir, figures vives, traits de peintures, etc… face à une pyramide de cour qui serait plutôt le paradis, c’est à dire le doré gothique.


P.O. – Le sol joue toujours un rôle important, quel est-il cette fois ?


P.M. – Il est avant tout un tapis de jeu. De la même façon qu’un tapis de backgammon donne les règles du jeu du backgammon ou les petits chevaux, ou le jeu de l’oie, etc. C’est à dire que c’est un tracé au sol qui dessine des zones d’aire de jeu, de positionnement des acteurs et de passage d’une zone à une autre : ce qui est censé solliciter l’imaginaire du public aussi par rapport à cette géométrie.
Il devait aussi s’intégrer dans cet espace de la Cour d’Honneur, le tracé même du tapis est issu du tracé du gradin et du bord de scène. J’ai suivi en plan le dessin du gradin : les deux pentes, le fait que les gradins ne sont pas sur une ligne droite, mais dessinent un angle au sol, et le plateau est lui-même en pointe. Il y a au centre du gradin une partie à sièges rouges entre deux parties à sièges gris. La partie à sièges rouges se prolonge ainsi sur le plateau par la rupture d’un tapis de danse. De façon à ne pas être une chose parachutée mais intégrée à un dispositif qui est posé – donc scène et salle – à l’intérieur du grand cube de la Cour d’Honneur.


P.O. – Pouvez-vous nous parler des couleurs ?


P.M. – Valère a évoqué les couleurs médiévales, les couleurs de la peinture avignonnaise qu’on peut voir au Petit Palais, c’est-à-dire le rouge, l’azur, le doré, des couleurs assez franches, et aussi, toujours, une référence au cirque avec ses couleurs primaires. L’idée de quelque chose d’enfantin, d’une simplicité enfantine. Et puis cette bipolarité dont je parlais : enfer et paradis. Tout ça vient s’imprimer sur un fond qui lui-même est blanc. Une façon pour moi de répondre à la question : comment faire pour que le public ne perde pas l’acteur quand il est assis très loin ? Comment faire pour que l’acteur soit le plus proche de nous possible ?… Et là, ce blanc qui reçoit la lumière des projecteurs devient une page blanche sur laquelle la parole ressort : le centre du décor est un grand losange blanc dont ilmanque le centre, un losange coupé en deux...
Les costumes et les accessoires eux aussi vont être très colorés.
On ressent nettement par rapport à cet espace le besoin de mettre de la couleur vive. Par exemple je pense aux Machines...
Jusqu’ici on les traitait en bois brut un peu vieilli ; pour L’Acte inconnu, on a envie de les peindre en bleu, en rouge, en jaune, parce que la monochromie de ce gris grège de la Cour, des murs, du plateau… pourrait nous inspirer quelque chose de très sombre dont il faut se détacher.


P.O. – C’est aussi parce que la couleur est un langage et que lesmots sont en couleur ?


P.M. – Absolument. Les mots sont en matière et en couleur.


P.O. – Après Avignon et la Cour d’Honneur, vous investissez une nouvelle fois le grand plateau du Théâtre National de la Colline. ce troisième rendez-vous a-t-il influencé votre travail ?


P.M. ‒ Tout d’abord, il m’est très agréable que le travail de Valère Novarina soit présenté aux spectateurs du Théâtre National de la Colline, des spectateurs qui aiment l’écriture contemporaine. J’ai réfléchi à une forme qui évolue légèrement en fonction de l’écriture. La Colline est également le premier lieu où le spectacle va se jouer après la Cour d’Honneur. Premier, parce qu’une fois de plus c’est le lieu phare de l’écriture contemporaine. Premier aussi dans le temps d’une tournée importante.


P.O. – Quels seront les changements entre le Palais des Papes et la Colline ?


P.M. – La question essentielle est évidemment celle de passer d’un espace de 33mètres d’ouverture en plein air à un plateau de seize mètres en intérieur en ne perdant rien de l’esprit ni de la dynamique. Faire en sorte que le dispositif puisse entrer dans une boîte à l’allemande : des rideaux noirs qui entourent la scène, derrière lesquels circulent les acteurs, qui débouchent sur trois bouches qui leur servent d’entrées et de sorties. Du point de vue visuel, le décor, comme les costumes, vont rester dans la même tonalité un peu constructiviste.


Entretien avec PHILIPPE MARIOGE
réalisé par PASCAL OMHOVÈRE, le 9 juin 2007

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