La pièce, que David Lescot en en train d’écrire, commence comme une mise en abîme : la Commission Européenne lance un appel à proposition artistique pour représenter l’Europe à l’aube du XXIème siècle. Dès lors les propositions affluent, chacune d’elle porteuse d’une dimension politique, d’une vision du monde européen, d’une charge existentielle. Les projets entrent en concurrence les uns avec les autres. Telle est l’intrigue, à tous les sens du terme. Lequel des projets s’attirera les faveurs de la Commission ? S’engage une sorte de course, de rallye où il s’agit de doubler les autres, de les envoyer dans le décor.

Cette création prendra la forme d’une revue, c’est-à-dire d’une succession de numéros, mais sans que soit rompu le principe qui les lie, et qui constitue l’intrigue évoquée plus haut, celle d’une mise en compétition de ces mêmes numéros.

Une revue musicale de l’Europe en construction, ou en reconstruction : une occasion précieuse pour David Lescot d’aborder le sujet des hymnes et de la musique politique.

David Lescot s'impose aujourd’hui comme un des auteurs déterminants de sa génération. Son théâtre est simple d'apparence : sans sophistication dans la syntaxe ou d'effets de style ostentatoire, mais surtout des situations et des dialogues incisifs. Lorsqu'il monte Les Conspirateurs en 1999 sa veine est déjà bien marquée : théâtre et musique se mêlent, le sérieux du sujet profite pleinement de l'humour fin des dialogues, les conversations sont écrites à l'économie dans une langue aussi triviale que pure d’où surgit avec poésie une grande humanité. Avec sa dernière pièce, L'Homme en faillite, son écriture a gagné en maturité. D'un sujet âpre, il écrit un « drame comique » d'une étonnante intensité où l'humour est féroce et la plongée dans les affres de la solitude humaine vertigineuse. En s'attaquant aujourd'hui à un sujet comme l'Europe, David Lescot affirme sa volonté de produire un théâtre qui prend le réel à bras le corps et ne renonce pas pour autant ni à la poésie ni à la fantaisie.

L'histoire de ce projet est aussi celle de l’association du Théâtre du Peuple - Maurice Pottecher, du Centre dramatique de Thionville Lorraine et du Théâtre de la Place de Liège dans le cadre de Luxembourg 2007, autour du désir de monter des auteurs vivants - David Lescot dont j’apprécie le travail depuis longtemps –, de mettre en abîme le projet européen, et d’associer un metteur en scène belge - Charlie Degotte - familier des univers burlesques et des revues musicales. Il nous semble intéressant de confronter audacieusement la rigueur sculpturale des textes de l’un à la fantaisie débridée de l’autre: les textes de David Lescot ont besoin de chair et d'espace et Charlie Degotte saura leur donner vie dans des zones insoupçonnées.

La réunion de trois producteurs sur cette commande à un jeune auteur est déjà un exploit, mais nous ne désespérons pas de trouver de nouveaux alliés pour mener à bien cette aventure.

Pierre Guillois
Directeur du Théâtre du Peuple - Maurice Pottecher