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+ d'infos sur le texte de David Storey traduit par Marguerite Duras
mise en scène Chantal Morel

: Note d’intention

Certains s’étaient mis à lire. L’un de nous avait lu «Home», nous avait dit de le lire, qu’il y avait peut–être quelque chose…
Moi, je n’avais rien compris, simplement ressenti un ennui profond. (...) nous lûmes ensemble, à haute voix «Home».
Comme une expérience spirituelle, je compris enfin.
Le désespoir avait fait éclater l’enveloppe individuelle, ouvert les coeurs, fermez les têtes pensantes et régnantes et anesthésiés les volontés d’exister.
Le désespoir avait offert la disparition de soi et la place pour la petite voix de l’autre.
Ce ne fut pas pour autant gagné. La répartition des taches à l’intérieur du groupe avait fait que je m’occupais de la mise en scène, je me mis au travail, submergée d’idées pour la réalisation, la mise en visibilité du texte.
Ces personnages soumis à l’arbitraire d’un pouvoir forcément métaphysique devait être comme des marionnettes, chacun portant dans son dos un fil qui le relierait à un mécanisme et ferait de ses gestes ceux d’un automate, le tout sur un ring…
Bien sûr, ces idées n’étaient qu’encombrement.
Il y avait donc encore des armes à déposer.
L’un de nous se mit à lire les didascalies, remarqua un «Il tourne la tête à droite» ou un «Il regarde en coulisse» je ne me souviens plus avec exactitude, tellement insignifiant pour nos désirs créateurs que nous ne l’avions même pas vu, lu.
A la fin de la phrase, l’acteur tourna donc la tête à droite et JE VIS.
Je vis la honte, l’envie de n’être qu’un papier chiffonné que l’on doit jeter à la poubelle, le chagrin, celui que l’on n’accorde qu’aux petits-enfants, vous savez, la bouche très grande ouverte et les sanglots, les sanglots, mais que l’adulte, aux prix d’un contrôle exténuant, ravale comme les morceaux d’un miroir brisé…. Je vis tant de choses invisibles et qui, grâce à ce simple geste le restaient !
Cette invisibilité-là a donné sens à ce geste appelé «mise en scène».
Car, ce que ce texte disait, c’était la dignité, celle que l’on vole aux plus fragiles, à ceux que l’émotion ou la difficulté de vivre ont amené dans ce lieu, cet hôpital psychiatrique. Et cette dignité-là n’aurait pu supporter aucun spectaculaire.
Les toutes dernières armes furent déposées. Nous trouvâmes TOUT DANS le texte.
Et je vis que nous aurions, en choisissant le théâtre, l’humble tâche du don de soi, de la disparition de soi.
Nous avions appris à lire.
Aujourd’hui ?
La dignité, l’humilité, la force d’un texte, et le don de soi d’un acteur au service de la parole de ceux qui ne peuvent pas pleurer comme des enfants faute d’être rejetés du train en marche, qui n’ont pas le désir de prendre la place de l’autre et seront rejetés du train en marche….

Chantal Morel

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