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Hilda

+ d'infos sur le texte de Marie NDiaye
mise en scène Elisabeth Chailloux

: Entretien avec Elisabeth Chailloux

Propos recueillis par Manuel Piolat Soleynat

Pourquoi avoir choisi Hilda ?


A cause du personnage de Mme Lemarchand. J’ai toujours été captivée par les figures de vampire, par leur tristesse absolue. Or cette femme de province malade de solitude est un véritable vampire. Elle a quelque chose de mort en elle. Pour survivre, elle ne peut que se nourrir de la vie des autres : elle a besoin de dévorer Hilda. Mme Lemarchand est une bourgeoise de gauche, humaine, décontractée. Mais sa névrose bourgeoise va rencontrer la solitude. Elle n’arrive pas à aimer ses enfants. Elle tente de combler l’immense vide qu’il y a dans sa vie en employant Hilda, en faisant d’elle sa prisonnière. Hilda travaille mais refuse de parler. C’est sa seule défense possible.


Considérez-vous cette pièce comme une œuvre essentiellement politique ?


Oui, Hilda révèle une analyse politique extrêmement fine. Elle place la notion du langage au centre de ses enjeux. Car c’est par le langage que Mme Lemarchand va dévorer Frank Meyer, le mari d’Hilda venu pour tenter de récupérer sa femme. Cet ouvrier précaire n’a pas les mots pour se battre. Il ne possède pas le vocabulaire pour répondre. A travers cette confrontation sociale, on se rend vraiment compte que les insuffisances de langage sont une forme terrible d’exclusion.


Cette pièce est-elle, d’après vous, une attaque contre les classes dirigeantes ?


Non, ce n’est pas une attaque, c’est un film d’horreur ! Un film d’horreur très réaliste ... Marie NDiaye peint un portrait terrifiant de la société dans laquelle nous vivons, une société qui rend l’esclavage moderne possible. En tant que précaires, les Meyer n’ont pas les moyens de dire non, ils se font donc exploiter. Politiquement, c’est d’une intelligence incroyable de mettre en parallèle la situation sociale des personnages et la maîtrise du langage. Hilda c’est : « Fais-moi entendre la façon dont tu t’exprimes et je te dirai qui tu es ». Le langage est plus significatif que les vêtements, la voiture ou même l’appartement. Il dit exactement où chacun d’entre nous se trouve dans la société.


Corinne, la sœur d’Hilda, parvient pourtant à dire non....


Oui, heureusement, même chez les pauvres, il y a une possibilité de révolte. Après avoir brisé Hilda, après avoir cassé son jouet, Mme Lemarchand essaie de s’attaquer à Corinne. Mais ça ne fonctionne pas. Car même avec ses mots de précaire, la sœur d’Hilda parvient à se rebeller, à chasser le vampire. Elle lui dit « crève », et ça c’est un mot que tout le monde comprend !


  • Propos recueillis par Manuel Piolat Soleynat
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