L’oeuvre de Heiner Müller, fortement influencé par Bertolt Brecht, met souvent en scène des conflits déchirant l’individu et la société. Le récit d'Héraclès 2 ou l’Hydre apparaît dans Ciment. Cette pièce, écrite en 1971, évoque la difficulté de construire une nouvelle société économique et politique, après la révolution russe de 1921. Cette thématique fait écho au malaise de la civilisation d’Heiner Müller au lendemain de la seconde guerre mondiale. Des questionnements qui rejoignent aussi nos propres enjeux de société.

Héraclès 2 ou l'hydre fait référence à la mythologie antique au coeur d'un récit se déroulant au XXème siècle. Un anachronisme qui est le lieu d’une tension entre l’Ancien et le Nouveau. Ou comment se reconstruire et construire une nouvelle société après la destruction. Un cycle que va expérimenter le personnage d'Hercule de façon intime...

Heiner Müller détourne le mythe d’Héraclès en évoquant le second de ses travaux: le combat contre l'Hydre de Lerne. Le récit conte l'épopée d'un homme dans une forêt, parti à la bataille contre un monstre. Alors même que l'on pense suivre une piste, celle du cheminement vers un combat, Müller enchaine avec précision des mouvements très divers qui brouillent consciencieusement les perceptions du héros. Les repères du temps, de l'espace et de l'identité même du sujet se délitent dans une écriture dense et organique. Le parcours est guidé par les sensations d'un personnage en route, en déroute, sur "des routes". Peu à peu il réalise que la forêt, le monstre et lui-même ne font qu'un. Confronté à sa propre part de monstruosité, l'homme serait ainsi son unique et seul ennemi, créant les propres conditions de sa perte. L'histoire de l'humanité, au niveau intime tout comme à l'échelle d'une société, n'est-elle pas soumise au destin de se détruire et se reconstruire sans cesse ?