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Hannibal

mise en scène Bernard Sobel

: A propos d’Hannibal

Hannibal n’est pas une pièce historique ; même si la matière de l’œuvre est celle du conflit qui opposa– à l’échelle du monde de l’époque - Rome et Carthage entre le IIème et le Ier siècle avant Jésus-Christ ; même si Grabbe suit le parcours du principal protagoniste de ce conflit, Hannibal, le général carthaginois qui fit trembler Rome, de sa victoire à Cannes sur les romains à sa fuite et son suicide en Bithynie.


Les libertés que prend Grabbe avec la réalité historique, la synthèse qu’il opère sur les évènements, les personnages, la chronologie, alors même qu’il en a parfaitement connaissance, traduisent clairement son projet : comme avec Napoléon ou les Cent-Jours, revenir sur les évènements qui, de l’Espagne à la Russie, ont secoué l’Europe de son enfance et de son adolescence. Après un passé tout proche, ce détour par l’antiquité, loin d’être un refuge contre un présent décevant, est la prise de distance qui lui permet de mieux le réfléchir et le comprendre.



Grabbe a une pensée de l’histoire. Mais il n’écrit pas de traités d’économie politique ni de grandes synthèses théoriques. Matières mortes et vaines, il n’a pour elles que mépris. Il utilise le moyen du théâtre, du poème dramatique, pour, de façon vivante, réfléchir, méditer, en philosophe et en stratège autant qu’en poète, sur cette matière dont il a été et continue d’être témoin, l’impérialisme, la conscience ou l’absence de conscience nationale, le sens de l’État, le jeu des intérêts et, plus généralement, sur l’homme dans l’histoire, le rôle des peuples, celui des grandes individualités.


L’époque est sombre. Après Waterloo, la réaction triomphe apparemment partout en Europe. Le monde ressemble beaucoup à la prédiction de Napoléon : une morne retombée dans les vieux esclavages. Le réveil des peuples, les espérances de libération et d’unité nationale, tout semble bien loin désormais. Les intérêts privés priment, semble-t-il, partout.
Et Grabbe lui-même, malgré la reconnaissance et le soutien de quelques-uns, a échoué à faire reconnaître son génie. Il est presque arrivé au terme de sa courte vie. Mais la grandeur de cet homme et de son œuvre, c’est que l’échec apparent, l’absence totale d’illusions ne le conduisent pas, non plus que son personnage, au renoncement. Il éructe, grince des dents, ironise ; il ne désespère pas et va au bout du possible.


Dès le début de la pièce, alors même qu’il vient de remporter une victoire peut-être décisive sur les romains, Hannibal, chez Grabbe, sait que la défaite et la mort sont au bout de son chemin et dès ce moment il prépare sa sortie de scène, son suicide. Et pourtant cette conscience de l’échec quasi certain ne l’empêche pas de faire tout ce qu’il est humainement possible pour triompher.
Comme son personnage, Grabbe refuse et le désespoir et l’espérance, l’un et l’autre clairement désignés comme des illusions. Il continue de faire ce qu’il a à faire, écrire, et sans repli sur lui-même, sans souci d’un avenir indécidable – il ne croit ni en des lendemains qui chantent ni en aucun au-delà- -, il persévère sans renoncer à aucune de ses ambitions. L’échec, pour Grabbe, ne rend pas l’effort dérisoire. Cette attitude est aujourd’hui plus que jamais exemplaire.

Michèle Raoul-Davis

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