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Habbat Alep

+ d'infos sur le texte de Gustave Akakpo
mise en scène Balázs Gera

: Notes de mise en scène

À mon sens, Habbat Alep est l’histoire d’une quête qui n’aboutit pas ou plutôt qui conduit à trouver autre chose que ce qui était cherché ou, plus précisément encore, qui conduit à trouver la chose qui était cherchée sans le savoir.
Pour le Cousin, cette chose a partie liée avec une interrogation au sujet de son identité, interrogation qui se cache derrière la question qu’il se pose et qu’on lui pose tout au long de la pièce : « qu’est-ce que je cherche ? » ou « qu’est-ce que tu cherches ? ».
Ses démarches pour apporter une réponse à cette question l’ont conduit à retourner dans le pays de son père. Sur cette terre, à la fois inconnue et familière, il se (re)trouve confronté au poids de la religion et des traditions, à la corruption et à la misère, à des différences vertigineuses de niveaux de vie, à l’oppression faite aux femmes, au silence et à la peur imposés par la dictature, au racisme des arabes vis-à-vis des noirs, au sentiment de déracinement. Il y trouve aussi un sens ancestral de la convivialité, une générosité qui fait fi du manque, des flots de parole et de rires, des relations qui en un instant passent de l’hostilité à la fraternité. Il y trouve enfin des déserts de cailloux, des taudis face à des maisons rutilantes, des voitures rafistolées qui foncent à travers les rues cabossées sans prendre garde aux personnes, des monuments historiques, traces magnifiques de ce pays berceau de la civilisation.
C’est grâce à ces confrontations à la fois douloureuses et fascinantes que le Cousin réussit à accomplir sa quête identitaire ; à travers ce voyage qui, plus qu’un voyage dans un pays, est un voyage à l’intérieur de soi, il réussit vraisemblablement à trouver une réponse. Celle-ci ne nous est pas donnée à entendre de façon explicite. Mais on peut supposer, qu’à l’image de la leishmaniose cutanée - cette maladie de la peau qu’on appelle dans la ville d’Alep (en Syrie) « Habbat Aleppo » et qui se manifeste par un bouton sortant à la surface après une longue incubation - la réponse que le Cousin est venu chercher finit par lui apparaître enfin. On peut même penser qu’elle consiste dans le fait d’avoir trouvé une langue qui, même si elle n’est pas celle qu’il voulait initialement découvrir, sera désormais la sienne.




L’écriture d’Habbat Alep est composée de moments de récits, de moments de parole intérieure (c’est-à-dire des moments où un personnage exprime ses pensées ou décrit ce qu’il fait sans que les autres protagonistes ne l’entendent) et de moments d’échanges directs entre les personnages. Ces différents moments découlent les uns des autres, forment une chaîne et créent un continuum. Ainsi, par exemple, le récit d’un événement fait naître l’événement qui donne lieu à un commentaire qui laisse la place à un nouveau récit etc.
Cette mécanique s’accompagne d’un autre trait d’écriture qui, lui aussi, participe de l’effet de mouvement induit par la pièce : la parole, parfois proposée dans l’indétermination (quel personnage parle ?), mène à des possibilités de diffraction de la parole et donc à une démultiplication des voix.




La mise en scène s’emploiera à donner corps aux mouvements de l’écriture : par une succession de constructions et de déconstructions de l’espace de jeu ou de ses composants et par une mise en jeu des corps et de la parole qui emprunte à la course de relais le principe de passation de témoin, au mode du fondu enchaîné l’effet de fluidité ou encore aux changements de focalisation la création d’une architecture sonore et visuelle.
La scène sera dépouillée de tout élément figuratif. L’espace, tenant lieu de bac à sable (c’est-à-dire un lieu propice aux jeux de construction) et de piste de danse (c’est-à-dire un lieu fait pour la circulation des corps) laissera donc le champ entièrement libre à l’imagination.
Dans la mesure où la parole des personnages, essentiellement performative, dit beaucoup (qui je suis, où je suis, pourquoi je fais telle ou telle chose, comment je me vois, comment je pense que l’autre me voit…), elle prend en charge, en occupant la place centrale du jeu dramatique, à la fois l’intériorité, le dire et le faire. Aussi toute volonté de les représenter serait redondante. Par conséquent, nul apport ne sera à chercher du côté d’une distribution naturaliste, d’un décor qui fait voir ou d’un costume qui explicite.

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