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Gravité

Angelin Preljocaj ( Chorégraphie )


: Entretien avec Angelin Preljocaj

Programme du spectacle à Chaillot

Gravité, pourquoi ce titre ?


Parce que la gravité est une question qui se pose à la danse au quotidien, on ne cesse de négocier avec. La danse classique la détourne et la contrarie par une tentative d’élévation, la danse contemporaine en fait un compagnon de route, et c’est cette opposition que je voulais mettre en figures. J’ai besoin régulièrement d’entrer dans la chair de mon langage, de réinterroger abstraitement le mouvement en revenant aux bases. Les portés classiques reposent sur les garçons, toujours, et sur les mains et les bras. Les miens sont mixtes ! Et comme j’ai fait beaucoup de judo, certains appuis sur les hanches, les coudes, les pieds, les têtes, viennent naturellement. Dans Gravité mes danseurs jouent avec le poids qui caractérise le mouvement, luttent contre, comme s’ils traversaient des planètes aux gravités différentes. Ils sont très virtuoses c’est assez difficile à faire.


Mais cette jubilation que l’on ressent dans la recherche abstraite de mouvements et d’appuis nouveaux...... n’interdit pas une dramaturgie.


Il ne s’agit pas pour moi d’écrire une succession de moments. Il n’y a pas de décor, pas d’histoire comme dans mes pièces narratives où il n’y a qu’à suivre le chemin, et le donner à voir. Là il s’agit d’articuler les moments, leur longueur, leur succession, leurs musiques, pour que cela construise une œuvre reposant sur une grammaire de formes, comme un tableau abstrait mais dans le temps. Cette articulation est difficile à concevoir, et le résultat plus difficile à commenter qu’une pièce narrative, puisque les mots ont besoin de sens. Mais la construction est là, dans l’abstraction.


On entend pourtant des choses concrètes, des extraits sonores de l’aventure spatiale...


Oui, des spationautes russes qui quittent la terre, Stephen Hawking qui évoque les trous noirs...


C’est cela qui est en quelque sorte figuré dans cette danse circulaire qui revient deux fois ?


Oui, entre nous on appelle ça le diaphragme, ou Black hole. Les danseurs évoluent sur « L’horizon des événements ». C’est Stephen Hawking qui appelle cette frontière comme cela. Au-delà de cet horizon on est irrémédiablement happé par la gravité, et rien n’existe. Il n’y a pas d’événement. Cette expression me fascine.


De nombreuses figures reviennent deux fois dans Gravité, qui finit comme elle a commencé, au sol. Pourquoi ?


C’est un constat, un enregistrement de notre état physique, de notre soumission à la gravité, de notre circularité aussi :le temps de la vie qui se passe à lutter contre ou jouer avec cette gravité, puis l’avant et l’après où le mouvement n’existe plus, avec, comme un symbole de cette disparition/apparition à l’échelle de l’univers, la présence du trou noir, et le désir humain d’échapper à la terre. De décoller.



PROPOS RECUEILLIS PAR AGNÈS FRESCHEL EN SEPTEMBRE 2018 POUR ZIBELINE« L’HEBDO CULT’ DU SUD EST »

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