En 2010, Franck (danseur/chorégraphe), Benjamin (musicien/compositeur), Grégoire (vidéaste) et moi-même (metteur en scène) travaillons sur Le Boxeur de Patric Saucier, un monologue servi au plateau par un comédien, un danseur, un musicien et des projections vidéo métaphoriques.
Ce projet nous a rassemblé et conforté dans notre envie de poursuivre ces échanges qui nous lient au plateau et dans la vie.
Le sujet intarissable qui nous porte et nous questionne est celui de la différence.
Il m’est apparu évident de partir du corps de Franck comme matière première d’expression brute et de le mettre en situation. Un moyen de se raconter sans mots tout en questionnant l’altérité. Sa faculté à incarner un personnage et ses émotions à travers son moyen d’expression nous trace le chemin.

GROS c’est l’histoire d’un homme, d’un homme gros qui danse et qui se bat pour échapper au regard de l’autre trop souvent réducteur.
L’homme est face à lui-même. Face à ce qu’il est au fond de lui et ce qu’il devient aux yeux d’autrui. Contraint de n’exister qu’à travers cette image trop étroite pour lui, il a trois solutions : il fuit, il se fige ou il fonce dedans…

Ici on parle de différence, de discrimination, d’acceptation de soi, de douleur et de solitude. On se pose la question de la représentation sur le plateau et dans la vie, à travers le corps d’un homme à priori trop gros pour danser.
Nous voulons confronter le poids des préjugés à celui de ce corps trop lourd.
Mettre en parallèle des actions simples du quotidien à la difficulté de les réaliser quand on est enfermé dans une enveloppe surdimensionnée.

Nous travaillons avec en tête la construction d’une « journée de gros ».
Notre réflexion est structurée sous forme de tableaux évocateurs d’un moment de cette journée ou d’un simple ressenti qui pourra prendre une ampleur égale à la taille du personnage sur scène.
Autant de situations ou le regard accusateur de l’autre se pose sur une minorité, autant de propos douloureux où le poids des mots mal choisis dépasse les non dits, autant de persécutions que l’on peut s’infliger par le simple fait d’exister d’une manière différente.

Outre la différence physique nous voulons ouvrir le propos à toutes formes de différences et de discriminations pour universaliser le champ de réflexion.

Mariana Lézin