theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Filons vers les Îles Marquises »

Filons vers les Îles Marquises

+ d'infos sur le texte de Eugène Durif

: Notes sur la mise en scène

Vous avez dit contemporain?
Au départ du projet: à partir des conventions d'un genre un peu désuet et "sucré", écrire une œuvre contemporaine et "noire" qui emprunterait aux vers mirlitonesques de Jarry, au vaudeville, à la farce, aux "song" brechtiens. Rien qu'une petite "œuvre", une opérette. Mais que l'on ne puisse jamais danser sur le même pied (sur le bon pied?), que cela se brouille et que l'on ne sache jamais trop si c'est du lard (de l'art) ou du cochon?


Tenter quelque chose qui ne relève surtout pas de la dérision, mais plus de la farce, du vaudeville, du burlesque, du grotesque et peut-être éventuellement de quelque chose de plus grave (…). Difficile de tenter une farce, en se disant que l'on ne sera pas manichéen, que les personnages pourront avoir leur petite chance d'humanité (même et surtout les plus crapuleux…), que l'on ne donnera pas une image trop simpliste des bons et des méchants … Plutôt contradictoire… En tout cas, quelque chose à quoi on pense tout au long, et on ne cesse de buter sur des contradictions et en même temps d'essayer d'avancer avec elles (le plus souvent en claudiquant …).


Une valse de pantins
Autre point de départ: radicaliser la mécanique, qu'elle en devienne inhumaine! Une valse de pantins. Et tout à coup, dans l'effondrement de l'image sociale, des êtres de chair et de sang. Mais à peine le temps d'exister qu'ils se rajustent pour continuer cette comédie. Ils seraient, dans l'idéal, emportés presque malgré eux vers un dénouement, comme aspirés par un rythme, un mouvement qui va de plus en plus vite qu'eux. Ils n'auraient jamais le temps de réfléchir: leur langage les précéderait. Là aussi, juste un point de départ… Après, il y a tout le travail du plateau et l'humilité qu'il impose…
Toujours présente pour nous, tout au long du travail, cette idée du "carnavalesque" développée par Bakhtine à propos de Rabelais (langue carnavalesque marquée notamment par "la logique originale des choses à l'envers, au contraire, des permutations constantes du haut et du bas (la roue), de la farce et du derrière, par les formes les plus diverses de parodies et travestissements, rabaissements, profanations, couronnements et détrônements bouffons").


Ainsi Bakhtine parle-t-il d'une parodie permanente, mais une parodie qui conserverait tout le temps son ambivalence, qui n'aurait pas, comme il le souligne, ce côté "négatif et formel" que peut avoir le mot dans son acceptation aujourd'hui.


Une vraie mort de théâtre
Lorsque ce roi de comédie meurt, sur fond des bruits de la machine à broyer les documents, on ne doit pas savoir s'il s'agit d'un jeu ou d'une vraie mort de théâtre. Et lorsque les femmes surgissent, pleureuses, poussant des "you -you", et faisant des niques à la faucheuse, on ne devrait plus savoir si elles pleurent ou se moquent et ridiculisent cet "épouvantail comique" présent sur scène et occupant la place du mort (ainsi selon Bakhtine, lors des funérailles de la Rome Antique, on pleurait et à la fois ridiculisait la mort …).


Pour illustrer notre propos, nous avons rassemblé seize musiciens, comédiens et chanteurs. Plutôt que dans une fosse d'orchestre, lieu dévolu à leur rôle, les voici "hors-champ", puis brusquement réapparaissant là, en pleine lumière, devenant un chœur "actif", puis peu à peu le personnage principal.
Au départ, il y avait une image de toiles peintes les unes sur les autres, presque collées les unes aux autres. Dans des moments paroxystiques, on en aurait arraché une puis l'autre et l'autre… Et à la fin, il n'y aurait eu qu'un plateau vide et son armature décharnée de navire abandonné. Qu'aurait traversé une fanfare qui s'éloigne, en quittant ce triste lieu de l'illusion et du leurre qui n'aura été habité que par une agitation de fête factice et paradoxalement très joyeuse. C'était une image de départ. Cela n'a plus rien à voir avec la scénographie du spectacle ou son esthétique. En même temps, cette image nous a donné le désir de réaliser ce spectacle.



Catherine Beau, Eugène Durif

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.