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Erwan et les oiseaux

+ d'infos sur l'adaptation de Jean-Yves Ruf ,
d'après Fuglane de Tarjei Vesaas
mise en scène Jean-Yves Ruf

: Naissance du projet

Ma première expérience de mise en scène, la toute première, fut de créer des spectacles avec des enfants de 3 à 12 ans et c’est là, me semble-t-il, que j’ai appris mon métier. Je travaillais sur des livrets d’opéra qui nous servaient de canevas de départ. Au fil des improvisations, l’histoire en devenait peu à peu méconnaissable tant la fantaisie et l’imagination des enfants se jouaient des frontières habituellement dictées par la logique. Cette « entrée en mise en scène » a été fondatrice pour moi et influe encore sur mon travail actuel. En effet, je continue à fabriquer des spectacles à partir d’improvisations, en élaborant une écriture scénique dans le cours même du travail, de manière quasi artisanale, pour obtenir au final une partition précise et qui suit une logique plus musicale que rationnelle (Chaux Vive au Théâtre Nanterre Amandiers, CDN en 2000, Silures à la MC 93, scène nationale de Bobigny en 2006).


Créer un spectacle destiné aux enfants ne présuppose pas à mon sens qu’on abandonne sa recherche, aussi risquée soit-elle. Ne suppose pas qu’on se mette à spéculer sur ce que peut ou non comprendre un enfant, on se trompe toujours à ce jeu-là. Cela suppose par contre qu’on se pose sincèrement la question de l’adresse, et plus précisément d’où je m’adresse, quelle partie de ma mémoire je mets en branle, quelles sensations je réveille quand je m’adresse aux enfants.


L’idée de Erwan et les oiseaux m’est venue en observant certains enfants que j’ai eu l’occasion de côtoyer lors d’interventions en milieu scolaire, certains enfants le plus souvent au fond de la classe, à la traîne, lents, laborieux, incapables de se concentrer longtemps. J’ai souvent pu constater combien ces « retardés » prenait du champ, de l’indépendance au sein de l’activité théâtrale, combien ils faisaient preuve soudain de vélocité, d’imagination.


Ce hiatus entre leur niveau scolaire et la vivacité qu’ils montraient au théâtre m’interrogeait à chaque fois. Je pense que l’intelligence elle-même n’est pas en question ici mais bien une inaptitude à s’adapter à la forme d’intelligence demandée pour suivre correctement le cursus : soit une incapacité à penser l’abstrait, soit une mémoire uniquement visuelle et absolument pas auditive, soit encore une dyslexie…


J’ai souvent tenté de comprendre et c’est en suivant leur logique intime, leur manière de louvoyer avec la difficulté, les méandres de leur imagination, que j’ai le plus appris sur mon métier.


Dès que je me mets en position de m’adresser aux enfants, je ne cesse de penser à ces « cancres » si inventifs. J’ai d’emblée envie de me mettre à la place du « cancre » pour créer, de faire un spectacle « à la place du cancre », non pour le porter aux nues, mais pour faire entendre qu’il y a différends types de sensibilités et d’intelligences dont certaines, si elles sont inefficaces dans le cadre d’une société donnée, n’en sont pas moins riches et profondes.


Je ne suis pas parti d’un texte préétabli. Celui-ci s’est élaboré partie en préparant le travail, partie pendant les répétitions. Cependant j’avais indiqué au début du travail que je prenais comme source de départ le roman Les Oiseaux[1] de l’écrivain norvégien Tarjei Vesaas, sans savoir à quel point j’allais m’en inspirer. Je peux affirmer maintenant que le texte du spectacle n’est en rien une adaptation de l’oeuvre de Vesaas. Le style, le mode de narration et l’histoire elle-même diffèrent. Le roman de Vesaas a simplement servi de terreau de départ, pour que les comédiens travaillent sur un certain type d’atmosphère et d’imaginaire.

Notes

[1] "Les Oiseaux", Tarjei Vesaas, Editions Plein Chant, 1986.

Jean-Yves Ruf

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