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Des Anges mineurs

+ d'infos sur l'adaptation de Joris Mathieu ,
mise en scène Joris Mathieu

: Intentions de mise en scène et de scénographie

La traversée du Bardo


Le Bardo Thôdol est un livre étudié par les bouddhistes tibétains et lu au chevet des mourants. Après la mort apparente, le défunt traverse le Bardo, au cours duquel il ne comprend pas qu'il est mort et se trouve dans un état proche du sommeil. Le voyage dans l'au-delà commence avec le dernier souffle. Ainsi débute une traversée dangereuse qui peut durer jusqu'à sept fois sept jours, soit quarante-neuf jours. La connaissance de cet itinéraire et de ses nombreux pièges est indispensable à celui qui est en passe de se défaire de son incarnation du moment. Si, mal préparé et apeuré il ne saisit pas l’occasion d'entrer dans le nirvana et tombe dans un piège, le défunt recommencera un cycle.


Avec des anges mineurs, vous vivrez la longue rêverie qui s’empare de l’Homme lorsqu’il est sur le chemin de la mort. Le Bardo est l’espace noir dans lequel résonne le récit d’Antoine Volodine. Composé de 49 narrats, c’est un édifice de galeries et de tunnels, qu’emprunte les errants pour un long cheminement dans un « contre-monde » autarcique et utopique. De cette obscurité et de ce vide, naît l’extension du champ des possibles. Au cœur de ce nulle part, se trouve la matrice, prétexte à la création de visions du monde.
Ce dispositif est aussi un espace-temps incertain à l’intérieur duquel s’expriment deux réalités, deux univers, qui s’entrelacent intimement. La matrice permet alors de créer des espaces impossibles, issus de la fusion de l’ensemble de ces niveaux de réalités. Au cours d’un voyage de 49 jours qui mène les errants jusqu’au cœur du Bardo, dans la Matrice, une histoire prend forme chaque jour, pour dessiner l’Histoire : une épopée, politique, poétique et burlesque.


Notre projet consiste à donner corps au Bardo et à matérialiser l’imagerie générée par la matrice. Ainsi, nous créons un dispositif qui correspond à son fonctionnement. L’espace, constitué de tunnels et d’un plateau central motorisé, dessine une machine qui produit la fiction, qui diffuse de l’image et du son en fonction de son rythme de rotation.
Dans la lignée de travaux comme ceux de Pierrick Sorin ou Bruno Cohen entre autres, nous mettons en place un dispositif d’images projetées et de réflexion sur miroir, qui nous permet de créer une forme de théâtre optique, à l’intérieur duquel comédiens et images ( personnages tailles réelles et décors ) évoluent en harmonie.
Les acteurs, confrontés à cette machine à fictions entreront alors dans cet univers onirique et politique, pour nous en livrer une narration polyphonique. A l’intérieur de cet espace, se matérialiseront des fictions (sortes de rêves ou d’épreuves), un monde improbable (fusion du monde des morts et des vivants), une véritable parabole des échecs successifs de notre civilisation.



La narration au creux de l’oreille


Dans ces histoires, les anges sont des figures qui ne sont que de passage au milieu des décors et des autres vivants. Ce sont des narrateurs qui traversent des tableaux animés, puis disparaissent après avoir laissé leurs empreintes. Les anges ne sont d’aucun secours pour les personnages. Ce sont des témoins, des passeurs, des émissaires envoyés pour collecter la mémoire. Les anges sont insignifiants et n’ont aucun impact sur le déroulement de l’Histoire. Ils sont simplement nos yeux et nos oreilles, ceux par qui il nous est possible de vivre cette histoire. Peut-être arrivent-ils de l’extérieur de la matrice pour observer le voyage des mourants ou pour accompagner leur errance.
Lors de cette expédition dans les galeries de la conscience humaine, nous croiserons ces figures qui susurrent un récit. Ces voix accompagnent notre traversée et nous servent de guide au travers des quarante-neuf jours que dure ce voyage. Est-ce la voix de ceux qui vivent cette expérience et qui nous interpellent ? Les voix d’amis proches qui tentent de maintenir notre esprit en éveil ? Ou encore des voix qui cherchent à nous distraire ? En toutes circonstances, la narration est le fil rouge du spectacle, il s’agit d’un bourdonnement intelligible, d’un flux tendu de paroles en live et en off.



L’enjeu politique


Dans ce récit au cœur de la mort, il n’est pas question pour nous de quête de spiritualité. Ce voyage n’a rien d’initiatique, il nous permet simplement de traverser une zone dans laquelle s’enchevêtre le temps de la conscience et celui de l’inconscience, le monde réel et le monde d’une mémoire transfigurée. Les références au Bardo et à la spiritualité Boudhiste servent essentiellement de ressort dramatique à notre histoire. La matrice dans laquelle se joue le sort de nos personnages n’est qu’une parabole du monde des vivants, dans laquelle se vivent des enjeux affectifs, politiques et oniriques. Dans ce monde comme dans le nôtre, l’amour, la mort, l’insolite, peuvent attendre les personnages à chaque tournant. Et si la renaissance semble un ressort dramatique, elle n’est surtout pas un objectif pour les vivants. Il faut donc chercher un sens à l’immortalité des grands-mères de la pension du Blé Moucheté. Pourquoi n’arrivent-elles pas à se libérer de la vie ? Il faut alors considérer la naissance/fabrication de Will Scheidmann, comme le nerf de la guerre. Ainsi, en enfantant, elles créent une descendance capable de conserver la mémoire qu’elles portent. En chargeant Will d’éradiquer les derniers mafieux et de rétablir la civilisation des Justes, elles espèrent trouver la sérénité qui leur permettra de disparaître.
Cette histoire nous permet d’envisager clairement que le sort de l’individu est lié au sort du collectif. Ici, Il ne peut y avoir de fin qu’avec la mort définitive de la bête, dans le monde des vivants comme dans celui des fantasmes.

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