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Derniers remords avant l'oubli

+ d'infos sur le texte de Jean-Luc Lagarce
mise en scène Olivier Broda

: Quelques notes de travail

par Olivier Broda

- Chez Lagarce, il y a un tel désir d’être compris, d’être aimé et/ou pardonné. D’où ces paumés lucides, « ces êtres perdus dans la banlieue du monde, la banlieue d’eux mêmes » (F.Rancillac).

- Chez Lagarce, nous n’assistons jamais à une histoire mais à des fragments d’histoire où les trompettes du “ Jugement Dernier ” ne sont jamais très loin.

- Dans les dernières pièces de Lagarce, une urgence existentielle est tangible : c’est l’écriture qui le guide et l’entraîne véritablement. Ici comme dans ces premiers textes, c’est lui qui mène son écriture.

- Lagarce aborde son écriture à travers un grand amour d’un théâtre de l’acteur.

- Il y a certes une musicalité dans l’écriture de Lagarce mais cela n’est pas suffisant. Elle n’est pas première, elle est « l’accompagnement d’une réflexion sur la déconstruction des êtres » (H. Pierre). Il y a du concret dans la façon de chercher le mot juste, véritable, de questionner le sens le plus juste d’un mot. Lagarce ne joue pas sur/avec les mots mais tente de les faire jouer.

- Jouer du Lagarce revient à trouver la gravité des jeux d’enfants. Il faut prendre au sérieux chaque moment et ne rien laisser passer. Le texte n’est pas un prétexte. Il faut entrer en douceur dans cette écriture. En entrant entre les interstices du texte par exemple ?...

- Travailler du Lagarce comme un auteur classique: respecter la ponctuation, les «e» muets et ne surtout pas chercher à le parler moderne. Trouver la «bonne diction» comme disait Jouvet. La technique du phrasé construit très fortement à elle seule le personnage.

- L’écriture de Lagarce fonctionne souvent par amplifications. Penser chez Lagarce veut dire chercher une phrase. Pas la trouver mais la chercher. Son écriture est donc une pure activité de la pensée. La pensée n’est pas le but ou la cible que la phrase cherche mais l’activité de cette recherche en elle-même. C’est une « écriture en marche » (D. Guenoun)

- La maladie ou la mort sont très présentes dans l’œuvre de Lagarce. Même s’il mourra de cette maladie, Lagarce n’est pas un auteur qui traite du Sida (comme Guibert, Copi...). Pour lui, le sida n’est pas un sujet. Même s’il se sait vite condamné, ces pièces parlent avant tout d’amour et de vie.

- Dans cette pièce, ce qui importe n’est pas l’issue, le dénouement ou encore les réponses aux questions soulevées mais le processus de l’histoire, la façon dont ces êtres maladroits (nous en sommes) essayent de se dépatouiller avec tout cet héritage et ce fardeau. Les mots se corrigent et parcourent un long voyage pour tenter d’arriver au mot juste, au mot véritable mais souvent en vain.

- Chez Lagarce, c’est la juxtaposition extrêmement rapide de sentiments et de sensations forts et variés qui fait la légèreté de la pièce, son caractère comique. Ce n’est pas la légèreté feinte ou la gaieté du personnage qui donnerait le ton (cf. Tchekhov !)

- C’est véritablement une pièce à mystères : pourquoi se sont-ils réunis ce dimanche là ? A quel point se sont-ils aimés ? Qui est le vrai père des filles ? Ne surtout pas chercher à lever le voile sur toutes ces questions en suspens ! “ Les personnages convainquent non par ce qu’ils nous révèlent d’eux-mêmes, mais par leur secret ” (P. Adrien).

- Pour monter du Lagarce, il faut certes des éléments concrets et réels pour que l’histoire ait un sens et aussi et surtout suffisamment de poésie et de transposition (voire d’abstraction) pour que l’imaginaire prenne place et ouvre les sens (dans tous les sens du terme !).

- Fuir le réalisme pour mieux s’approcher de la réalité…

- Les acteurs pourront alors adopter successivement plusieurs modes de présence : être dans l’action, écouter sans entendre, entendre sans écouter…

- 27 scènes donc 26 entre-scènes ! Des scènes longues, brèves, très brèves, éclairs…
Quels choix pour le rythme de la pièce et sa légèreté aussi… ? Des ellipses, des noirs, des fondus enchaînés, des pauses-images, des gris, des bascules, des continuités… ?
Sûrement un mélange. Du cinéma en somme… Du Bergman ou du Cassavetes ?
Des visages tourmentés au bord du rire mais les joues sillonnées de larmes dans l’embrasure d’une porte ou derrière une vitre embuée…

- Chaque scène semble la première et la seule. Cela avance par à coups. Dramaturgie non classique, fragmentée, elliptique (cf. cinéma).

- Pourquoi se rencontrent-ils ce dimanche-là ? Eux-mêmes le savent-ils ? Pour partager un bien certes (de l’argent de surcroît) mais aussi pour partager autre chose ?...
S’entendre sur les frontières propres à l’existence de chacun? Partager des frontières, arriver au moins à un accord comme pour un conflit? Le partage comme mise en commun ou comme distribution à chacun de son dû ?

- Pour le travail: dire sans réfléchir, foncer et seulement observer l’impact de ce que l’on a dit (il est trop tard bien sûr !)

- Ce n’est pas un portrait sociologique ni un pamphlet réactionnaire. C’est une façon tendre et cruelle de dire le besoin de communiquer.

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