: Note d'intention de Jonathan Pontier, compositeur
« Qu’est-ce que je vais devenir ? Qu’est-ce que je vais pouvoir faire ? Comment faire de la musique ? Comment ne faire que de la musique ? Comment disparaître dans la musique ? Comment me dissimuler dans la musique ? Comment apparaître resplendir exploser dans la musique ? Comment habiter l’incendie ? Comment devenir une légende du rock ? Comment devenir une rock star? Comment ne pas rater le concert de la semaine prochaine ? Comment faire taire tout le monde ? Comment ne pas échouer ? Comment ne pas sortir de ma chambre ? Pense J., 14 ans. Et 21 ans plus tard, J. 35 ans s’interroge : Qu’est-ce que je suis devenu ? Comment suis-je devenu ce que je suis devenu ? Ai-je trahi ce que je me promettais de devenir ? Comment je me suis transformé affirmé révélé inventé dans la musique ? Qu’est-ce que j’aurais pu faire d’autre ? Qu’est-ce que je serais devenu si je n’avais fait que du rock, est-ce que je serais déjà mort ? Comment ça a commencé exactement ? »
La création est faite à 14 ans comme à 35, d’arrêts, de reprises, d’appréhensions et de découragements, de surgissements inattendus et de révélations. Entre la composition saccadée de morceaux pour le concert, les errances mentales de l’adolescent et les questionnements de l’adulte, Dans ma chambre interrogera comment ces deux âges de la vie se regardent, s’appréhendent, et se confrontent le temps d’une pièce avec la musique et la diversité de ses formes comme point d’interrogation.
Un spectacle qui commence comme une pièce musicale théâtralisée et
s’achève en concert rock où le public est amené à participer. Le public
est invité, dans un doux décalage entre réalité et imaginaire, à pénétrer
littéralement dans la chambre...
A l’intérieur, une scène multi-frontale au centre, un lit, des instruments
entremêlés et un dispositif vidéo.
Cette « chambre » devient, avant et après le spectacle, un lieu de
création participative avec les collégiens.
Etre musicien. Oui. Mais avant de l’être, peut-être faut-il d’abord l’être devenu.
J’ai composé ma première chanson à l’âge de quatre ans, triste après le départ
de mon premier chat, en changeant les paroles d’une chanson country que
mon père écoutait. Commencé à tripoter le piano à huit ans, pour reproduire
les tubes qu’on écoutait à la radio avec mon frère ou en famille. Composé mes
premiers vrais morceaux à 11 ou 12 ans, paroles, musique, et enregistrement
multipistes.
En somme, j’ai toujours ressenti, comme beaucoup d’enfants, que j’étais déjà
musicien, comme par magie, de mon plein droit, comme d’autres doivent se
dire qu’« on est » (naît ?) policier ou institutrice.
C’est très vite ce qui m’a permis de me « travailler de l’intérieur » : la découverte de l’harmonie et du rythme entrait en écho avec la découverte de mes sens, de ma sexualité, de mes désirs et de mes rapports au monde. La musique devenait ma fabrique intime, l’outil idéal de communication, en particulier pour attirer les filles sans autre forme de langage. Cette passion me permettait aussi - et je ne l’entrevoyais que très vaguement à l’époque - de canaliser mon mal-être et d’échapper à la réalité complexe des relations familiales, etc.
Quand Jean Boillot m’a proposé de réfléchir à un spectacle musical à
destination d’un public adolescent, je me suis immédiatement revu dans la
chambre qui m’a vu grandir et gratter ma guitare, programmer mes premières
compositions et caresser mes premières amourettes...en me demandant
comment m’inspirer de ce moment charnière et charnel, de cet espace
fantasmé et symbolique de ce que je suis devenu, pour en faire sens dans une
forme à la fois concertante et narrative.
Certaines de mes précédentes créations mettent en jeu la parole et la musique
en les confrontant, fusionnant, télescopant, comme dans l’Ecorce et le Noyau
(2006).
D’autres, comme Territoires de l’âme (2010), les mettent physiquement
en scène dans une dramaturgie commune où tout est narration possible,
musique, texte, vidéo, sorte d’oratorio moderne et «trans-média».
Pour ce travail, j’avais envie de proposer à un auteur de m’accompagner dès le début du projet, afin de pouvoir imaginer ensemble une trame à partir de ce point de départ, histoire universelle, à la fois ancrée au présent et au passé. Une histoire enfin, où la musique serait sa propre narratrice, et où, musicien présent sur scène, je pourrais moi-même poser à nouveau un regard bienveillant sur le musicien que j’étais alors.
Jonathan Pontier
mars 2015
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