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Dans les veines ralenties

+ d'infos sur l'adaptation de Elsa Granat ,

: Genèse d’un projet

En 2012, François Rancillac et Antoine Caubet, respectivement directeur et artiste associé du Théâtre de l’Aquarium nous proposent une résidence de répétitions en avril pour commencer à défricher notre prochain projet, autour de la monstruosité et ses mécanismes. Avec ce thème comme colonne vertébrale du projet, notre envie est d’écrire au plateau à partir de matières récoltées en amont dans la littérature, le théâtre, le fait divers, le cinéma…


Nous explorons les mécaniques du monstrueux, ses possibles représentations au plateau, les limites de l’horreur, à travers des matières-textes d’Heiner Müller (MacBeth ou encore La Bataille), de Shakespeare (Macbeth et Richard III), de Jean Baudrillard (Cool Memories) et au bout de deux semaines de répétition, nous présentons notre travail à des professionnels lors de deux présentations publiques. De cette première étape de travail, nous retenons l’esprit de travail collectif qui nous meut au cours de cette recherche, et la necessité pour nous d’un texte fondateur.


En parallèle, je fais partie de la formation à la mise en scène du CNSAD (Conservatoire National supérieur d’art dramatique de Paris) et notre cursus se clôt par des présentations de formes courtes.


Je décide de travailler autour de Peggy Pickit voit la face de Dieu de Roland Schimmelpfennig.
Deux couples d’amis, anciens étudiants de l’Ecole de Médecine, se retrouvent après des années d’absence ; l’un est parti en mission humanitaire en Afrique, l’autre est resté faire un enfant et s’établir dans les convenances. Le temps et la distance ont fait leur travail pour séparer les êtres. Cela pourrait être un simple dîner, variation contemporaine d’un Qui a peur de Virginia Woolf ? et les vestiges d’une époque révolue, celle où l’on est seuls, sans famille, sans maison, sans garage…
Mais Roland Schimmelpfennig est un auteur qui bouscule les codes théâtraux et la forme dramatique classique, créant sans cesse des ponts avec le cinéma. Et il invente alors une glaçante fiction bourgeoise à la mécanique cauchemardesque. Les personnages parlent, crient, meublent et déversent.
Dans le salon aseptisé d’une ville universitaire occidentale, les monstres sortent des placards, vestiges d’une vision colonialiste d’un monde déchiré par le rapport Nord/Sud, la bonne conscience, les préjugés…


En Juin 2012, nous lisons les « lettres-scénario » d’Ingmar Bergman, une matière-texte que le réalisateur écrit à ses collaborateurs avant de commencer l’aventure du tournage de ses films.
Nous sommes bouleversés par la lecture de Cris et Chuchotements, qui décrit l’agonie et la maladie d’une femme, Agnès, qui vit seule avec sa servante dans la maison de famille où la rejoignent ses deux soeurs.
Ici au-delà du temps et de la distance qui dénouent les liens, il y a le silence, assourdissant. Celui de celles qui n’ont jamais parlé. Celui des fantômes morts sans rien expliquer. Celui de Dieu qui enferme et empêche. Celui d’une société cloisonnée et sclérosante.
Dans les couloirs d’une maison étouffée par des conventions, les rêves prennent le pas sur l’effrayante réalité, mais ne propose aucun échappatoire. Les démons sont là, étouffés, confinés, mais aussi bien établis que les réflexes de protection de ces êtres en proie à l’impossible désir de vivre.


Il nous parait alors évident de mettre en perspective ces deux textes.
Avec ces deux oeuvres, nous souhaitons explorer à travers les liens entre cinéma et théâtre la naissance de comportements monstrueux dans les sociétés cloisonnées.
Comme au cinéma, faire un focus, un gros plan sur ce moment- là ou naît l’irréparable, ou se noue l’enjeu impossible à détricoter dans le futur…
Comme au théâtre, créer un huis-clos avec des conventions et des codes auxquels les personnages et les comédiens adhèrent.
Trouver dans la transposition du cinéma au théâtre quelque chose qui soit propre au théâtre aujourd’hui.
Trouver dans le théâtre d’aujourd’hui la puissance du détail du cinéma qui va chercher l’intimité, le sentiment caché.

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