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: Note d’intention

“L'Oeuvre d'Art”, qu’elle soit ancienne ou moderne est sacro-sainte, mais le temps défossilise, transforme, modifie l'intouchable. Don Quichotte, l'oeuvre immortelle de Cervantès est devenue universelle depuis sa première traduction par l'anglais Thomas Shelton en 1615.

Don Quichotte pourrait être lu comme un polar, mais jeter brutalement le célèbre couple nonchalant sur un plateau de théâtre est très risqué : le choix de leurs aventures dans les déserts espagnols devient un casse-tête tellement l'oeuvre est conséquente, et il faudra un mélange audacieux de scènes attendues, de scènes méconnues et de plongées dans le monde d'aujourd'hui, sans pour autant trahir l'esprit du poète, car il s'agit bien là d’une épopée poétique et philosophique, écrite dans une langue incroyablement riche et puissante.
Devant l'insistance de Sancho qui refuse de voir un heaume dans le plat à barbe qui enveloppe son crâne, Don Quichotte finit par lui expliquer que la réalité peut être perçue de différentes façons... :
- “ Ce plat à barbe que tu vois est pour moi un heaume et une troisième personne y percevra encore autre chose, un même objet peut prendre différentes apparences selon le regard porté”.
Finalement, Sancho inventera un nom pour ce nouvel objet : “un heaume à barbe”.
Le magnifique Hidalgo me montre la piste à suivre : le passage d'une échelle à une autre s'impose dans mon chantier cérébral, comme dans une bande dessinée ou au cinéma, où chaque vignette nous fait basculer dans des univers autonomes. Comme le heaume se fond en plat à barbe, et peut-être même en casque de chevalier, chacune des aventures de Don Quichotte est un monde à part entière, peuplé d’enchanteurs capables de faire basculer notre perception du bien, du mal, du beau, du laid ; j’y vois un mélange de formes, une liberté féconde pour accompagner ce mouvement incessant, cette perte de repères.
La machine à jouer doit s’inscrire dans ce mouvement perpétuel, cette fuite en avant dans des paysages que notre outillage théâtral va rendre chimérique : objets animés, marionnettes de toutes sortes, vidéo, lumière et univers sonores.
Dans cette matière théâtrale et poétique, la présence du texte de Cervantes me parait incontournable.
Mais j’aimerais le faire entendre dans une musicalité particulière, multi-formes, hétéroclite. Pour cela, Sancho, parce qu’il représente la multitude des petites gens, Dulcinée et les figures féminines extraordinairement modernes qui peuplent le roman de Cervantes, tous ces personnages parleront dans différentes langues, à la différence de Don Quichotte, figure unique, qui gardera son langage (évidemment le français).
Le surtitrage sera donc inscrit dans les outils de notre machine à jouer.

Denis Chabroullet

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