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Copies

+ d'infos sur le texte de Caryl Churchill traduit par Dominique Hollier
mise en scène David Ayala

: Note de mise en scène

Comment les textes nous parviennent-ils ? Comment « tombent-ils » entre nos mains, sous nos yeux? Quel est le déclencheur pour susciter le désir de les monter ?
Aujourd’hui, c’est un ami et acteur qui me dit « tiens lis ça ». Jean-Claude Bonnifait m’a fait lire « Copies » de Caryl Churchill et m’a dit « j’aimerais le jouer avec mon fils ». J’ai trouvé ça très beau. Le texte d’abord, et la démarche. Le bon sujet, la belle forme, les bonnes personnes, au bon endroit. Donc on y va, on le fait.
D’abord, c’est nouveau pour moi : une forme dramatique, une pièce.
Après les travaux sur Louis Ferdinand Céline et Guy Debord (précédents spectacles qui étaient des adaptations de textes, récits, romans ou critiques : Scanner et Ma Peau sur la Table) ou avant les adaptations avec Armatimon – Furie des nantis.
Ici la forme est circonscrite, achevée, précise : c’est la pièce de Caryl Churchill dans la traduction de Dominique Hollier. Tout de suite, nouveauté : nouvelle forme, écriture saisissante, en ellipse, dont les fondations sont comme secrètes, enfouies. Une mise à jour de l’étrangeté du « quotidien » dans les rapports filiaux et paternels. Théâtre de l’intime et de l’étrangeté totale de la simple « présence » humaine.
On pense tout de suite à la densité sensible, à la nervosité des personnages des films de John Cassavetes et parfois à l’inquiétante étrangeté des films de David Lynch.


Ce qui est en jeu : Qui est là ? presque comme la référence hamletienne (Who is here? du début de la pièce) ou autrement dit qui sommes-nous pour nous mêmes, pour soi et pour les autres. Breton disait plutôt quelque chose comme : « qui je hante ?... ».


Référence au clonage évidemment, au double, à la « série » des doubles : qui sommes nous si nous sommes plusieurs « identités identiques » clonées sur terre ?


Le « centre » (comme dirait E. Bond), la préoccupation de la pièce de Churchill c’est l’identité, mais c’est aussi une variation poétique et ontologique sur le fait de vivre, de donner la vie, la reprendre, la manipuler, la dérégler. C’est une interrogation forte et puissante (dans une écriture d’une apparente et déconcertante simplicité) sur la possibilité scientifique et quasi réalisable de faire « muter » l’être humain, de le sérier, le démultiplier dans le système mimétique.
La richesse et subtilité de l’écriture de Churchill réside d’abord dans sa structure musicale : rupture, peu de ponctuation, phrases « abandonnées », « ouvertes », utilisation peu commune de la césure, de la syncope (comme les tirets dans les pièces d’Ibsen) qui doivent produire du jeu, des tensions de regards, de silences, de « choses secrètes » mises à jour par l’acteur. À nous de les traquer, de les déceler et de les faire résonner, remonter à la surface.


Au contraire des dispositifs scéniques et scénographiques « complexes » de nos précédents spectacles (Bond / Shakespeare ; Louis Ferdinand Céline ; Debord) je souhaiterais explorer avec ce texte la très grande simplicité d’un théâtre de l’intime et de la grande proximité avec le spectateur. Où seuls les visages et les corps des acteurs deviennent le « site », le cadre de la résolution du conflit, et celui du mystère absolu de la simple présence humaine.


Il est beaucoup question de « visages » dans la pièce. Je pense à la phrase de Bond où il dit que c’est en scrutant le visage de ses contemporains (des gens dans la rue) qu’il peut commencer à se mettre à écrire un drame ; comme si les visages étaient autant de cartographies des séismes intérieurs, de « cartes du Temps » de nos vies contemporaines.


Polar – Thriller psychologique … avec Copies, on mène une enquête sur les personnages et sur nous même. C’est une introspection et un dévoilement par le mensonge et la manipulation du langage, où les « personnes » articulent les mots simples du langage parlé courant mais dont la mise en ordre (ou désordre) par l’auteur dans la bouche des personnages fait sourdre des traumas et des commotions avec lesquels ils doivent vivre, se débattre, comprendre, élucider et… se consoler pour trouver du sens à leur vie(s) « copiées ».
De cette mise en « mots secrets » des traumatismes, de ces dévoilements, de ces résolutions, va naître toujours chez le lecteur, une émotion profonde, diffuse, comme un profond tourment qui infuse tout.
Évidemment on pense à des duels, à des combats avec l’arme des mots.
Ces mots mettent « à nu » l’esprit et le corps de l’acteur et « dévisagent » les êtres intérieurs.
Et c’est en cela que les références au regard d’une caméra de cinéma qui vient « scruter » la magie du visage et du corps humain est quelque chose qui peut induire fortement des pistes de travail.


J’ai redemandé à Laurent Sassi, créateur son et musicien d’accompagner ce travail comme il l’a fait précédemment sur Scanner (Debord) et sur Ma Peau sur la Table (L.-F. Céline).
Il me semble évident que son univers et ses propositions de véritables paysages sonores peuvent faire vivre et résonner ce texte d’une manière très forte et très personnelle.
Laurent Sassi est aujourd’hui un fidèle de la compagnie La Nuit Remue. Son travail n’est jamais complémentaire, il fait partie intégrante de la recherche et de « l’objet théâtral », comme un personnage de la pièce.


Cette fois-ci pas de vidéo, mais de la photographie séquentielle.
A deux ou trois moments, comme le feuilleton rémanent (ou la réminiscence) de la vie cachée des personnages hors-champs. Vraies vies ? Vies inventées ? Manipulées ? Simulacres ? Fausses visions ?
Le théâtre peut proposer la sienne. La photographie projetée et « scénarisée » peut brouiller les pistes.


La lumière de Jean Michel Bauer viendra nous aider à faire ce « voyage » pour tenter de retrouver les 21 visages de la pièce. A moins qu’il n’en y ait que deux… ou qu’un seul.

David Ayala

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