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Copies

+ d'infos sur le texte de Caryl Churchill traduit par Dominique Hollier
mise en scène David Ayala

: Réflexions

De quoi parle cette pièce?
Au bout de nombreuses lectures j'ai toujours l'impression de ne pas en voir le fond : un sens protéiforme, un noeud de questions suivi d'un noeud de réponses, pelote inextricable de courtes phrases inachevées se coupant, se chevauchant presque, que la voix d'un père et celui d'un fils, multipliée par trois, s'assènent à la face, pour tenter d'élucider le mystère qui les réunit, la parenté, la filiation, et comprendre un peu de ce qui a bien pu arriver qui dérégla tout. La science est passée par là, et l'identité se retrouve à voler en éclats.


« Je ne suis plus ton unique fils, il y en a un bon nombre »
« Je suis ton père ».
Le problème est posé, le rapport est campé.
Et le texte, pris lui même à mal, ficelé comme une machination de plus en plus diabolique va ouvrir une succession de béances tournant toujours autour de la même et vertigineuse question : Que s'est-il passé, je veux savoir ce qui s'est passé. À un moment de mon existence je veux comprendre ce que j'ai fait ou ce que l'on m'a fait faire. Le père et les fils, à l'unisson, traquent une vérité. Leur vérité.


L'original, la copie, quelle valeur donner à cela? Y a t-il déperdition, comment l'évaluer, la chiffrer même.
Dans l'empire du mensonge qui prolifère il faut coûte que coûte que père et fils trouvent un interstice de vérité, d'accord, où le premier puisse encore dire au second qu'il a été voulu, désiré, lui et pas un autre, lui avant tout autre.
Ce questionnement en roue libre – qu'est ce que ça me fait à moi, qu'est ce que je suis – le fond de ce puits sombre où père et fils essaient de se regarder, de se parler, m'interroge à mon tour de manière très aigüe.
Comment aborder sur le plateau ce séisme verbal à la fois si dense et si ténu? Que faire, que défaire, quel écueil éviter, comment débusquer les non-dits, le silence terrible de ce texte, sa violence, le viol qu'il opère, l'effroi qu'il génère? Avant tout trouver un compagnon de travail, un « metteur en jeu » qui veuille bien partir dans cette aventure. David est d'évidence celui-ci. Ensuite, eh bien plonger.


Quelques phrases glanées au hasard de lectures qui placent le visage comme l'icône ineffaçable de l'identité, et de cette pièce :
« Le visage est en mouvement perpétuel » ORLAN.
« Il y a un risque mortel de perdre figure, de perdre toute visagéité » Paul VIRILIO.
« L'intérêt de la visagéité c'est d'être un langage, d'être une vie, d'être un récit, (…) le visage est une histoire, c'est un paysage » Gilles DELEUZE.


Des livres nous éclairent sur le sujet du clonage et de son questionnement :
« Clones avez-vous une âme » de Nicolas ROBIN (éd. L'harmattan).
« Cloner l'homme ce n'est pas uniquement faire la copie conforme d'une personne. Le clonage humain c'est aussi fabriquer des embryons, les modifier, les retoucher, les travailler dans le dessein de produire de L'homme de remplacement, en morceau, et de forcer la nature dans le sens de la performance et de l'idéal, selon les impératifs eugéniques des parents et de la société; progrès scientifique? Espoirs et applications thérapeutiques? Terrible oeuvre infernale où l'homme risque peut-être sa vie dans une entreprise de modification de lui-même et de ses frontières. Dans sa politique d'appropriation du vivant, en reléguant l'homme au rang de chose, en bouleversant avec sa technique sans limite le processus de l'évolution, l'homme en rupture grave avec ses principes moraux met l'humanité en péril ».


Dans « Totalement inhumaine » (éd. Les empêcheurs de tourner en rond), pamphlet puissant, le philosophe et chercheur en intelligence artificielle Jean Michel TRUONG met en perspective l'histoire de la vie et de l'intelligence sur notre planète avec pour ligne de fuite la mort de l'humanité. Avec « Reproduction interdite » (éd. Orban), il écrit un essai d'anticipation passionnant sur l'hypothèse d'une banalisation du clonage humain.

Jean Claude Bonnifait

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