À l’instar de ses deux précédentes mises en scène présentées à l’Arsenic, Angels in America et Orphelins, Philippe Saire aborde la mise en scène par la présence physique des comédien·ne·s, et tisse une partition physique avec le texte, ce qui génère un style particulier et une grande implication de jeu des comédien·ne·s. C’est par un malentendu que débute cette fable économico-sentimentale. Dana, installée à Berlin tombe amoureuse d’un homme malsain et démoniaque qui attend d’elle des relations tarifées, ce qu’elle refuse. Se lance alors une course poursuite à travers l’Europe à l’image d’un road-movie, entre hôtels, voyages en train, en bateau, d’une ville à l’autre. Proche du scénario, la pièce compte autant de scènes que de lieux, comme un puzzle dont la discorde initiale viendra inverser l’ordre établi. L’Europe s’effondre, les flux s’inversent et les personnes en migration se précipitent vers l’Afrique. Libre, Dana laisse derrière elle un monde qui s’écroule, abandonne vite ses certitudes et cela sur fonds d’inversion des rapports de force entre le Nord et le Sud, la précarité et la sécurité, comme une immunité qui viendrait à manquer. Entre le mythe de Faust, l’arrogance du vieux monde, les crises migratoire et financière, Zinnie Harris met en jeu ces thématiques pour faire résonner l’écho d’un monde contemporain en tension. Comment retenir sa respiration mêle à la fois l’idée de transaction et de dette, de déroute, en liant l’intime à l’universel tout en adoptant une diversité de tons, tantôt épiques, tantôt tragiques, tantôt légers ou magiques comme pour mettre en scène une certaine force de vie.