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Comme tu me veux


: Note d’intention

Par Stéphane Braunschweig

L’intrigue de Comme tu me veux se situe dix ans après la fin de la Première Guerre mondiale, au moment où le nazisme est en pleine ascension en Allemagne et où le fascisme triomphe en Italie.


Le personnage central n’a pas de nom : Pirandello l’appelle « l’Inconnue », c’est « un corps sans nom » comme elle se définit elle-même. Danseuse de cabaret, maîtresse d’un écrivain à succès, elle rentre chez lui, tous les soirs, ivre et suivie d’une bande de bourgeois débauchés. Un soir, un photographe italien de passage est sûr de la reconnaître comme étant Lucia, la jeune épouse de son ami Bruno Pieri : Lucia a disparu dix ans plus tôt, sans laisser de trace, pendant l’invasion du Nord de l’Italie par les armées austro-hongroises. On pense qu’elle a été violée, enlevée ou tuée par l’armée ennemie.


Mais dans un premier temps l’Inconnue refuse de se laisser reconnaître : est-ce que le traumatisme de la guerre l’a rendue amnésique ? ou est-ce qu’elle ne supporte tout simplement pas l’idée de revenir à sa « vie d’avant », après « tout ce qui lui est arrivé » ? L’Inconnue finit pourtant par accepter de « retourner » en Italie, et de « redevenir » Lucia pour son mari Bruno, qui semble n’avoir jamais cessé de l’aimer.


Mais est-elle vraiment Lucia ? Ou est-ce seulement un rôle qu’elle accepte de jouer ? une identité qu’elle endosse, elle qui n’en a plus ?


La suite de la pièce se déroule en Vénétie : après le chaos décadent de Berlin, le contraste est maximal, on a l’impression d’une société où l’ordre règne. Et là, l’Inconnue-Lucia se retrouve au milieu d’une querelle d’intérêts pour l’héritage de sa propre maison. Elle commence à comprendre que son mari avait tout intérêt, pour conserver la propriété de la maison, à retrouver sa femme vivante, qu’elle soit ou non la vraie Lucia. Elle comprend qu’elle a fui un monde qui la dégoûte, Berlin, pour un autre qui la dégoûte encore plus, l’Italie. Alors elle décide de faire voler ce monde en éclats.


Ce monde, c’est ce « monde d’après » qui s’est reconstruit sur les décombres de l’ancien, cherchant à ensevelir les traumatismes de la guerre et à en guérir les blessures dans le fantasme nationaliste, quitte à fermer les yeux sur la barbarie en marche, en Allemagne comme en Italie. Le personnage de la Folle, qui surgit au troisième acte, est bien sûr l’autre face possible de Lucia, mais elle incarne aussi tout ce passé refoulé qui refait surface, celui qu’on préfèrerait ne pas voir, le visage de l’impossible réparation…


  • Stéphane Braunschweig, 2021
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