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Blow the bloody doors off !

Catherine Diverrès ( Chorégraphie )


: Le Spectacle

Qu’est-ce qui modifie notre perception de l’espace et du temps ? C’est en posant cette question aux interprètes que Catherine Diverrès est entrée en création.


Avec son titre ironique, Blow the bloody doors off, donne le ton. La phrase est extraite d’une réplique du très british acteur Michael Caine dans un film d’action caractéristique d’une époque, L’or se barre, réalisé par Peter Collinson en 1969. Modernité déjà dépassée avec ses courses-poursuites et ses cascades de voitures, filant comme autant de collisions comiques qui résonnent en écho à la pure présence du geste dansé aujourd’hui, dans l’actualité de l’instant que partagent interprètes, musiciens et spectateurs. Est-il possible d’en revenir à la spontanéité de l’enfance dans l’énergie de l’immédiat, à l’éprouvé de l’âge qui ralentit les perspectives de l’espace et du temps ? Selon Catherine Diverrès : « Notre face-à-face avec autrui pourrait se construire alors dans l’acuité de l’immanente fragilité, dans la rareté et la délicatesse de chaque instant, telle une pesée légère de la pensée, qui nourrit, qui permet l’avenir et la durée. »


Entre intuition et danger, gravité et légèreté, une première étape de recherche s’est ainsi engagée dans la compagnie : ouvrir un autre espace-temps ou accueillir le regard, livrer des sensations, déplacer, creuser dans la conscience et le rapport au réel comme à l’imaginaire de chacun.


Cette entrée dans une matière poétique, en dialogue avec l’improvisation des musiciens sur scène, procure, tant aux danseurs qu’au public, des niveaux de conscience différents, altérés, modifiés, transportés. L’écriture chorégraphique aiguillonne cette conscience tandis que la relation aux matériaux musicaux, vibrants, parfois comme en suspens, renouvelle une exigence de l’écoute affinée, toute en présence, respiration, souffle. Les enjeux de la danse, de ses formes et de son imaginaire sont ici particulièrement puissants.


Tel un voyage vers l’infini, la danse de Catherine Diverrès fait résonner le temps, qui transparait parfois comme celui d’une humanité engagée vers l’impossible. Ce sont ces visions constellées d’échos, de chutes, d’élans et de troubles que cultive Blow the bloody doors off. Proche d’une polyphonie presque tribale, forgée par un subtil alliage de musiques et de danses — tracés de trajectoires virtuosement modulées par l’improvisation – cette création ample, fluide et intense, tisse son propre univers lié à une forme singulière d’expression. Comment dire l’unité du temps et de l’espace ?


Au-delà du donné, de son langage affirmé, précis et sensible, Catherine Diverrès, forte de son riche parcours de chorégraphe, de créations diversifiées rythmant sa pratique et sa réflexion depuis une trentaine d’années est accompagnée de collaborateurs aguerris particulièrement impliqués dans le mouvement. On y retrouve le musicien Jean-Luc Guionnet qui signe la composition cette pièce conçue comme un concerto contemporain pour le percussionniste Seijiro Murayama ! Le premier apprécie « quand la musique donne du temps », le second « quand le son devient sculpture ». Depuis presque dix années, musiciens-compositeurs et chorégraphe partagent leurs aspirations et recherches. Avec eux, Catherine Diverrès cherche à repousser les limites de son propre champ.


Présences, physicalité, illusions des surfaces, vides et déchirures, saturent l’espace, réveillent l’écoute, sollicitent le regard, et s’ouvrent à d’autres perceptions du corps et de ce qu’il vit aujourd’hui. Comme des trous ou des incisions dans la toile de sa propre écriture, la chorégraphe, au travers les caractéristiques singulières de ses interprètes, laisse éclater les orages, gronder les urgences, peser les gestes comme s’ils s’éveillaient aux forces naturelles cachées. Ici l’informel du présent fait œuvre. Parade sauvage aux improbables connexions, ces multiples gestes, rythmes et regards semblent porteurs des mystères permanents de la vie. Et les accélérations et transformations du rapport au temps nous questionnent : ne serait-ce pas notre vitalité qui est en jeu ? Ouvrir ces portes du présent, finalement, jouer de son élasticité, à l’opposé du quotidien dont l’accélération nous obture les possibilités, tel est le pari, la forte poussée qui propulse magistralement corps et musiques en scène.

Irène Filiberti

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