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Bar

+ d'infos sur le texte de Spiro Scimone traduit par Jean-Paul Manganaro
mise en scène Christophe Laparra

: Notes et réflexions de travail

Ce qui me touche particulièrement dans cette pièce, et dans son écriture, c’est qu’elle est avant tout d’une profonde humanité. Spiro Scimone pose un regard amoureux sur ses personnages et s’abstient de tout jugement à leur égard. Il donne à voir et à entendre le quotidien de gens simples et à partir de cette réalité sociale, il emporte doucement ses personnages, grâce à sa science du langage, notamment de sa construction rythmique, vers un univers plus abstrait. Par le biais d’un humour léger et tendre, il amène le décalage de cette réalité sociale vers une poétique de l’absurde.


Ce qui me passionne, par ailleurs, dans cette pièce et fonde mon respect pour son auteur est l’immense qualité et l’extrême pertinence de sa dramaturgie. Nous sommes dans une arrière salle d’un bar populaire (et peu fréquentée), Scimone dans ses didascalies nous indique : une fenêtre, une échelle, etc… A la lecture de la pièce, on s’apercevra que l’échelle n’est utilisée que lors de la dernière scène pour regarder par la fenêtre. A partir de cette constatation une multitude de questions se posent : « Mais que vais-je donc faire de cette échelle présente en permanence sur le plateau et qui ne sert à rien tout le long ? « « Est-ce possible que cette échelle ne serve que pour cette action de regarder par la fenêtre à la toute fin de la pièce ? » La réponse est bien évidemment négative. Scimone, à travers ce simple exemple, m’incite donc à échafauder toute une réflexion dramaturgique rigoureuse :


- Tout d’abord, si nos deux personnages ont besoin d’une échelle pour regarder par la fenêtre, c’est que ce n’est pas une fenêtre classique. J’en viens donc à supposer qu’il s’agit bien plus d’un soupirail que d’une fenêtre. Et si tel est le cas, j’en déduis que l’arrière salle du bar se trouve au sous-sol et que donc nos deux protagonistes passent le plus clair de leur temps dans une cave !


- Ensuite, si cette échelle est là en permanence, c’est quelle a une fonctionnalité. A savoir : nettoyer la vitre, changer les ampoules, nettoyer les poussières, atteindre des objets en hauteur, etc… Elle nous renseigne donc, par la persistance de sa présence, sur le quotidien de l’un de nos deux personnages : Nino, le serveur du bar, qui bien que son établissement soit peu fréquenté, continue de l’entretenir.


En cela, cette échelle, ainsi que tous les autres objets présents sur le plateau, agissent comme des révélateurs de l’identité de nos deux personnages et de l’absurdité de leur situation sociale.


De cette absurdité naît un comique de situation, prolongé par des dialogues brefs et précis, où l’humour, qui en résulte, apporte cette touche d’humanité qui fait la grandeur de cette écriture et lui évite totalement et définitivement de basculer dans les travers d’un réalisme plat et complaisant qui ne donnerait lieu qu’à une caricature grotesque.


Je crois que c‘est en s’attachant, dans notre travail, à ce que les objets, les personnages, puissent constamment se dérober, nous glisser entre les doigts, pour rester finalement énigmatiques, que nous rendrons au mieux la dimension si humaine de cette partition dramatique et toute l’infinie finesse de sa composition.

Christophe Laparra

avril 2007

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