Le matériau premier de l’écriture a été élaboré à partir de « collectages in situ » réalisés lors d’entretiens, de séances d’exploration par le récit, l’écrit et parfois l’improvisation. En outre, je disposais d’éléments riches inspirés de ma propre histoire familiale, de la biographie d’Anissa A, de l’enquête et de la quête effectuée pour retrouver ce père disparu.

Le postulat de départ est simple : comment faire émerger le réel pour créer du symbolique. Dans cette perspective, l’écriture est autant nourrie d’éléments biographiques que de souvenirs romancés, de péripéties purement fictives, de séquences vérité et de constructions imaginaires, permettant ainsi à l’écriture d’entremêler au récit d’Anissa A, les histoires, les questionnements, les rêveries et mes propres thèmes de prédilection. Cette écriture mêlant fiction et réalité laisse à chacun la liberté d’interpréter de mille et une manières cette histoire pour le moins rocambolesque.

Tout en rendant compte d’un parcours de vie et d’une histoire proprement romanesque, je souhaite pointer les incidences que peuvent avoir sur une vie humaine les rencontres que tout un chacun est amené à faire. Oui, il y a des rencontres qui peuvent apporter des bouleversements inimaginables. L’intuition, la volonté de rompre le fil d’une histoire qui semble écrite et immuable, la question de la destinée et de ce que chacun met en œuvre pour la forger, les notions de hasard, de Kaïros, de nécessité, sont au cœur d’un récit qui invite les spectateurs à se retrouver sur la scène comme les ombres des interprètes.

Cette œuvre est aussi la réflexion d’un dramaturge d’aujourd’hui qui se saisit de la matière humaine de ses interprètes pour faire état de la sienne propre. Au-delà de l’histoire d’Anissa A, je raconte la mienne en filigrane. Comment est-il possible de mettre en scène sa propre intimité en donnant l’illusion de raconter celle des autres ? C’est sans doute ce projet que je poursuis en écrivant Au non du père. Les spectateurs entrent dans l’atelier d’écriture d’un auteur qui n’a de cesse que de saisir la beauté, la violence, la misère et les espérances d’une humanité en quête d’identité et de vérité.

• Ahmed Madani