Le dispositif scénique reproduit un laboratoire de pâtisseries avec plans de travail, ustensiles de cuisine, four etc…Un système de caméras permet la retransmission sur un écran, d’images saisies en direct sur le plan de travail pendant que l’interprète prépare ses pâtisseries. Des séquences vidéo tournées lors du voyage aux Etats- Unis s’ajoutent au récit pour en intensifier le caractère documentaire.

Tout en cuisinant des pâtisseries, pont symbolique entre son père boulanger et elle, Anissa A joue et dialogue avec les spectateurs dans un rapport interactif. Elle les interpelle, leur demande de raconter des souvenirs d’enfance liés à leur père et dialogue librement avec eux. Ahmed Madani partage le plateau avec Anissa A. Chacun des protagonistes joue son propre rôle et raconte son point de vue sur l’incroyable périple et l’aventure théâtrale qui s’en est suivie. Ils partagent leur ressenti sur la quête des origines, la famille, l’amour, les circonstances qui ont permis leur rencontre, la place de l’art dans leur vie, les notions de destins et de liberté. Les dimensions conte et discussions qui semblent improvisées se mélangent et égarent les spectateurs entre fiction et réalité.

Au non du père est un cri d’amour vibrant lancé par une jeune femme à un père qui a été absent pendant trente ans. Anissa A nous donne la preuve vivante, avec une foi indéfectible, qu’il est possible de se construire dans ce manque, et que celui- ci n’est pas un frein à notre épanouissement, qu’être au monde est une chance merveilleuse, que nous devons nous en saisir et agir pour faire de notre vie une œuvre d’art.

Cette pièce est une ode à l’espérance, à la résilience, au pardon, à la force de vie et, en cela, elle s’inscrit dans une continuité qui caractérise l’ensemble des textes d’Ahmed Madani : raconter la rudesse du monde sans jamais cesser de penser qu’il peut devenir meilleur. D’où venons-nous ? Comment nous plaçons-nous dans la lignée de nos pères et de nos mères ? Comment l’absence d’un père, réelle ou imaginaire, intervient-elle dans un parcours de vie ? Ces questions sur les origines interpellent chacun d’entre nous. Pour savoir où nous allons, il est bon de savoir d’où nous venons.

En accomplissant un voyage vers son père, Anissa A accomplit un voyage vers elle- même et aussi un voyage dans le temps. Le temps est un personnage important de ce théâtre-récit. Il nous rappelle ces mots maintes fois entendus : « Il n’est jamais trop tard ». Il faut toujours croire en l’avenir et lorsque le Kaïros se présente il ne faut pas le laisser passer...