theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Arrêts de jeu »

Arrêts de jeu

Aurélien Bory ( Mise en scène ) , Pierre Rigal ( Mise en scène )


: « Arrêts de jeu » : définitions par Pierre Rigal

« Généralement, une rencontre sportive officielle est limitée à une période de temps précise, variable selon les disciplines : 90 minutes pour le football, 80 minutes pour le rugby... L’expression « arrêts de jeu », en anglais « extra time », désigne une période de temps supplémentaire accordée par l’arbitre en fin de match pour compenser d’éventuelles interruptions de jeu survenues durant la partie. Ces interruptions peuvent être causées par la blessure d’un joueur, par des changements stratégiques de joueurs effectués par l’entraîneur, ou par tout autre évènement divers, comme l’apparition dans l’aire de jeu d’un individu ou animal extérieur à la partie (homme ou femme nu traversant le terrain en courant, émir koweitien, coq, chien, etc...). Selon l’enjeu en vigueur, cette période de courte durée, environ 3-4 minutes, peut s’avérer être un instant de tension dramatique formidable durant lequel des revirements brutaux de situation peuvent intervenir. Elle est considérée comme la dernière chance pour une équipe en perdition de sauver la face. Et, au contraire, sans scrupule d’exagération, on dit de l’équipe qui est en train de gagner qu’elle vit des minutes interminables, puisqu’elle évolue encore sous le couperet du retour in extremis de son adversaire qui n’hésitera pas à prendre tous les risques offensifs s’offrant à lui. Dans l’histoire sportive, certains « arrêts de jeu » sont devenus mythiques en bouleversant des destins et des scénarios pourtant solidement établis.


Si l’on s’écarte de cette terminologie sportive, l’expression « arrêts de jeu » pourrait finalement désigner une période qui précède une fin. Une fin qui sera soit heureuse, soit malheureuse. Ou encore une période dense et cruciale qui amorce un changement, qui annonce un passage d’un état à un autre. Le passage de l’amusement au sérieux. Le passage du ludique au contraignant. Le passage de l’illusion à la réalité. De l’onirique au matériel. De l’espoir à la déception. De l’enfance à l’âge adulte. De l’utopie à la raison. « On arrête de jouer maintenant. C’est fini ! » C’est de cette transition troublante et violente du gai vers (peut-être) le triste qu’il s’agit. Nous sommes dans une situation particulière où l’amusement, la gaîté, l’espoir deviennent des sensations d’autant plus conscientes et mesurables qu’elles approchent de leur fin. La connaissance de la proximité de cette interruption modifie certainement la teneur de ces sensations. Comment vit-on les derniers instants joyeux d’une période de jeu et d’amusement ? Faut-il profiter de ces dernières minutes ? Et est-ce vraiment possible finalement ? La conscience de la fin n’est-elle pas déjà une fin ?


Et de manière plus sous-jacente encore, cette expression presque arrogante, «arrêts de jeu», questionne le statut même du danseur-interprète que je suis. Elle sonne comme une provocation et un défi. La recherche chorégraphique et dramaturgique ne pourra qu’être indirectement influencée par ce questionnement : s’arrêter de jouer ?
En terme de geste, si un arrêt est paradoxalement un mouvement, un mouvement qui amène à l’immobilité, est-il le dernier mouvement ? Et surtout, que contient cet arrêt ? Comment se décompose-t-il ? Est-il lent, se rapprochant de plus en plus de la vitesse nulle ou au contraire est-il rapide, animé et plein d’une énergie, peut-être celle du désespoir ? Quel est le mouvement qui va arrêter le mouvement ? Quel est le jeu qui va arrêter le jeu ? Dans quelle humeur et dans quel monde basculons-nous lorsque nous nous arrêtons de jouer ? Sur un plateau de théâtre est-il possible d’arrêter de jouer ? Est-il possible de juste faire ?


Voici donc de nombreuses questions qui apparaissent dans ces trois définitions, ou plus exactement dans ces trois angles de vue. A la fois différents et imbriqués, ces derniers structureront ce spectacle, ce quatuor de danse, emmené par trois danseurs et une danseuse. »

Pierre Rigal

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.