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Arrêts de jeu

Aurélien Bory ( Mise en scène ) , Pierre Rigal ( Mise en scène )


: Note d'intention

Arrêts de jeu mettra en scène un souvenir. Un souvenir à la fois collectif et intime. Un souvenir d’enfance.
En 1982, l’équipe de France de football rencontre la RFA en demi-finale de la coupe du monde à Séville. Arriver à un tel stade de la compétition constituait déjà en soi une réelle performance pour cette équipe loin d’être favorite. Le rêve d’accéder à la finale passait donc par la réalisation d’un improbable exploit face à l’ogre allemand, rigoureux et discipliné, physiquement agressif et supérieur. L’équipe de France n’avait pour elle que la fantaisie audacieuse et périlleuse de ses joueurs frêles et enthousiastes. Le scénario de cette partie reste encore dans les mémoires des enfants que nous étions à l’époque. Battiston tombe dans le coma, agressé par le gardien Schumacher. L’arbitre refuse injustement un but de Rocheteau. Les Platini, Giresse, Tigana, Trésor sont des héros. Ils défient courageusement leurs adversaires. 3 – 1 pour les français dans les prolongations. Les allemands égalisent à quelques secondes de la fin. La séance de tirs au but est interminable, insoutenable. Maxime Bossis manque son penalty. Flirter avec l’exploit et échouer. Echouer injustement. La RFA vole la victoire aux joueurs français effondrés. L’équipe, ainsi que l’ensemble des supporters dont je faisais partie du haut de mes 9 ans, fut envahie d’une immense et inconsolable déception.
Outre l’enjeu sportif crucial, cette rencontre revêtait évidemment un caractère politique sous-jacent. Les tensions ancestrales entre les deux pays ressurgissaient à la surface et s’exprimaient de manière déguisée. La deuxième guerre mondiale, même si l’on n’osait pas le dire, flottait dans les esprits. Le sport, souvent rassembleur, peut aussi catalyser des mythes, des fantasmes et les clichés. Ce fut le cas ce soir de juillet 1982.


La « célébration » chorégraphique, théâtrale et graphique de cette rencontre sportive à la dramaturgie si étonnante mettra en valeur, à travers le rituel et la commémoration, les mythologies collectives et intimes qui construisent nos souvenirs.
A la fois solennelle, absurde, sacrée ou ridicule, cette cérémonie évoquera, à travers l’exploration du « jeu » au sens large, les plaisirs, les enjeux et les paradoxes de l’enfance. Les corps seront des images, des visages, des jouets, des joies, des angoisses, des rêves puis des cauchemars.
Cette manifestation « régressive » de ces souvenirs me permettra finalement d’observer ma posture actuelle d’adulte et d’appréhender, peut-être avec crainte, mes souvenirs prochains. L’adaptation de cette partie de football offrira une situation de jeu et une structure dramaturgique à un parcours physique et psychologique de quatre personnes, ou de quatre créatures, qui pourront être alternativement coéquipières, c’est-à-dire solidaires, ou adversaires c’est-à-dire belligérantes. Tantôt idiots, tantôt solennels, tantôt absurdes, tantôt perspicaces, tantôt agiles, tantôt maladroits, nous suivrons l’évolution de ces gladiateurs des temps modernes, ceux du spectacle de masse, perdus dans une arène de couleurs. Mais au-delà de cet événement sportif, il s’agit aussi pour moi de traiter de la désillusion dans un sens plus large. Et de voir, comment du joyeux nous pouvons basculer dans le sérieux ou dans le triste. C’est au fond un regard qui s’interroge sur le passage difficile de l’enfance à l’âge adulte.

Pierre Rigal

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