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Antigone

+ d'infos sur le texte de Jean Anouilh
mise en scène Marc Paquien

: Note Dramaturgique

par Diane Scott

L’Antigone de Jean Anouilh est une pièce historique du théâtre français. Créée en 1944 à Paris au Théâtre de l’Atelier sous l’occupation allemande, elle fut à la fois un succès public intense et une pièce controversée : Antigone incarnerait la résistance et Créon la raison d’État, mais de quel côté penche la pièce ? Cette question partagea les critiques de l’époque. Il est toujours aujourd’hui difficile de le dire, tant la part de la réception aura été constitutive de cette pièce, devenue depuis un élément du patrimoine littéraire et scolaire. Et elle est cette année proposée au Théâtre du Vieux-Colombier par Marc Paquien.
Notre tâche n’aura pas été de trancher dans la controverse mais au contraire, d’exposer le débat, de le déplier autant que possible. « Faire d’une pièce à problèmes un drame problématique » dit Jean Bollack au sujet de celle de Sophocle, sa matrice. Et pour nous aussi, entendre ce texte, c’était relayer les questions qu’il nous adresserait, continûment. D’où le choix de la mise en scène, non pas d’historiciser la pièce, mais au contraire, de nous la présenter comme nôtre, commune, immédiatement partageable, comme un outil pour la pensée.
Car, au-delà de son écriture claire, volontairement prosaïque, presque provocatrice dans son jeu avec le quotidien, l’interprétation est complexe. On dit généralement qu’Antigone défend la loi du sang, de la terre, de la famille, des dieux, contre la loi positive de la cité et du citoyen soutenue par Créon. Et si cette Antigone faisait s’affronter l’individualisme contre le bien de tous ? Et dans ce cas, cet individualisme serait-il un solvant du lien social ou bien le symbole et la préfiguration des droits civiques ? Antigone n’est-elle pas aujourd’hui le nom de la résistance contemporaine aux oppressions politiques, qu’elles soient racistes ou sexistes ? La pièce oppose Antigone, figure de pureté et d’enfance, à Créon, symbolisant la corruption des adultes et l’idéologie d’État, l’idéalisme contre le « réalisme ». C’est peu dire que la crise européenne qui frappe le berceau historique du mythe actualise cette rhétorique. Mais le partage des intransigeances est-il si clair ? Et qu’est-ce en vérité que l’enfance ici ? La pièce ne cesse de nous appeler à débattre nous-mêmes, au coeur même des émotions qui la déchirent.
Car, derrière la polémique entre l’oncle et la nièce, se profile une autre question qui sous-tend la pièce et qui nous requiert. La présentation qu’Anouilh fait de Créon et de ses gardes revient souvent, en dernier ressort, sur cela : quelle est cette tâche étrange de diriger les hommes ? Dans quoi s’est engagé Créon quand il prit la direction de Thèbes ? Et quelle représentation du peuple en déduit-on ? Cette Antigone d’Anouilh pose finalement la question de la politique. Pour Créon, la politique est un métier, au sens le plus matériel, pourrait-on dire, vulgaire, du mot. Il faut le faire, comme on dit. Et si l’autorité sur la cité était autre chose qu’un métier, que serait-elle ?
Ce sont toutes ces questions qu’Antigone nous apporte avec une simplicité et une émotivité qui empruntent à l’enfance des personnages. Et c’est le désir de cette mise en scène que de servir et de donner cette transparence.

Diane Scott

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