Portrait

Charlie Nelson était là en 1996 pour la seconde Mousson d’été. Michel Didym, avec qui il avait créé Le Public de Garcia Lorca au Théâtre de la Colline le distribue dans Yaacobi et Leidental de Hanokh Levin, un auteur israélien alors inconnu en France. Présenté au Caveau (un lieu devenu depuis inaccessible, où le jeune Olivier Py tenait le bar), sous la forme d’un théâtre feuilleton. Gros succès. La lecture devient vite un spectacle. Depuis, Charlie Nelson est revenu une bonne vingtaine de fois à la Mousson d’été. « Je suis un vétéran », sourit-il.

Âgé de moins de 18 ans, il n’avait pas pu s’inscrire au concours de l’école du Théâtre National de Strasbourg. Il voyage en Amérique du sud (il peut lire dans le texte les pièces espagnoles) et à son retour, en 1975, s’inscrit au concours d’entrée au Conservatoire de Paris dont Jacques Rosner a pris la direction. Un vent nouveau y souffle avec l’arrivée de professeurs comme Antoine Vitez, dont Charlie Nelson a vu les spectacles chez Pierre Debauche au théâtre de Nanterre, la ville où il habite. Reçu, c’est au Conservatoire qu’il noue des amitiés durables avec plusieurs élèves comme Philippe Fretun, Jean-Claude Leguay, Daniel Martin, Grégoire Oestermann ou encore François Clavier et Christine Murillo. La plupart se retrouveront à la Mousson. Et plus d’une fois.

« Michel Didym, c’est un homme de fidélité et il a le talent de tisser des liens entre des gens très différents. C’est ce qui se passe au moment de la Mousson, qui est un lieu de rencontres et d’échanges. Peu de festivals sont propres à cela. L’identité forte du festival est liée à Michel, son engagement, sa folie, sa profusion d’idées, sa générosité. Et puis il y a l’attrait de la découverte de textes nouveaux. Certaines années, il m’est arrivé de participer à sept lectures. À chaque fois, c’est un défi. Au début, je pensais qu’il fallait mettre le texte en avant. Michel, au contraire, demande un engagement tripal et des propositions fortes, à l’instinct. Pour le public, c’est réjouissant. Pour l’acteur, c’est du training, il faut aller vite et savoir passer rapidement d’un texte à l’autre demande de la souplesse. »

Charlie Nelson aime ce travail de troupe au sein de l’équipe des comédiens de la Mousson (une équipe recomposée chaque année), alors qu’il se sentirait à l’étroit dans une troupe permanente. « J’ai besoin de liberté mais j’aime les fidélités. » Charlie Nelson songe avant tout à Matthias Langhoff qui l’avait engagé pour faire Edgar dans Le Roi Lear, spectacle dont il garde un fort souvenir. « Matthias c’est mon maître, il a donné un sens à mon parcours théâtral ». Une histoire longue de huit spectacles. Jean-Pierre Vincent, avec lequel il a souvent joué, c’est à la Mousson d’été qu’il l’a rencontré. « Il est venu avec Le silence des communistes. Michel Didym a fait la distribution, j’en faisais partie, un beau cadeau. La lecture a créé une onde de choc. Certains spectateurs sortaient en pleurant. Un grand moment. C’est devenu un spectacle programmé au Festival d’Avignon avant une belle tournée ».

Cette année, Charlie Nelson est distribué dans cinq lectures.
« Véronique Bellegarde m’a appelé fin juin pour me proposer de venir et j’ai reçu les textes début juillet. La distribution de chaque lecture est faite par Michel, Véronique et le comité de lecture. En quatre séances de travail, on arrive à sortir une proposition convaincante. » Et quand il n’est pas distribué, il va voir le travail des autres en découvrant d’autres pièces. Charlie Nelson en lit aussi beaucoup car depuis deux ans il est entré au comité de lecture de la Mousson. « Je ne suis pas un bon lecteur. Je me méfie de mes premières impressions. Des textes séduisants peuvent manquer de fond et il est des textes difficiles à lire qui vont se révéler pendant le travail. C’est intéressant d’apprendre à lire le théâtre. Il faut pouvoir projeter. »

Jean-Pierre Thibaudat