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S.P.R.L.

de Jean-Benoît Ugeux


Vincent (sa diction est prolixe et maîtrisée, on pourrait croire qu’il fait un compte-rendu public. Il n’y a aucune émotion dans sa voix, plutôt le désir d’être clair et de convaincre) :
Mon père ne m’a jamais rien appris,
Strictement rien du tout.
Je l’ai toujours connu faisant un boulot qu’il n’aimait pas,
Qu’il était absolument incapable de faire
Car bien au delà de ses niveaux de compétences.
Il était simplement arrivé à ce poste car c’était un ami d’enfance qui le lui avait proposé.
Et comme à l’époque, il n’arrivait pas à trouver de travail,
Il l’avait accepté.
Dès son entrée en fonction, il fit très mal son boulot.
Tout le monde s’en rendit compte très rapidement,
Il eut été impossible de faire autrement :
Ses résultats étaient minables.
Personne n’osait rien dire à son ami,
Qui était haut placé dans la hiérarchie,
Mais c’était manifeste.
Et mon père savait très bien qu’il n’était pas apte à remplir le rôle qui lui avait été gracieusement offert,
Comme un cadeau tombé du ciel.
Il le faisait car il lui était redevable
Et puis il fallait bien qu’il gagne sa vie,
Et comme il ne voulait pas que ma mère travaillât,
Il n’y avait tout simplement pas d’autres solutions.


VERONIQUE SORT.
Vincent (après une légère pause) :
Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes…
Mais l'histoire a voulu que cet ami de mon père couche avec ma mère alors qu’elle était toujours avec mon père,
Et ce dernier les avait surpris alors qu’ils baisaient dans un bureau.
Il n’a rien dit, il a simplement tourné les talons, les a laissé finir leur besogne et ils n’en ont jamais parlé.
Ni avec son ami ni avec ma mère.
Entre temps son ami était monté dans la hiérarchie et s’occupait de la gestion du personnel.
Il possédait droit de vie et de Mort sur bon nombre des employés et il ne s'est jamais décidé à lui retirer son poste.
Ni à le rétrograder.
Ni à intenter aucune action de quelque ordre que ce soit
Visant à discréditer socialement ou professionnellement mon père.
Mon père a commencé à travailler de plus en plus mal.
Je ne crois pas que ce fut pour faire payer à son ami son adultère,
Car je pense que dans un certain sens,
Ca l’arrangeait bien qu’ils fussent amants,
Sans doute même aurait il voulu que cette histoire se continue dans son dos,
Assure la paix de son ménage ainsi que celle de ses couilles
Je pense simplement qu’il travaillât de plus en plus mal pour faire payer à son ami le fait qu’ils s’étaient laissés attraper stupidement.
Il aurait mille fois préféré ne jamais rien savoir de tout cela.
Il aurait tout simplement eu envie de s’en douter,
Sans plus,
Comme tout le monde.


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