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Monsieur Farce ou des Oh ! et des Ah !

de Olivier Chapuis


Extrait 1 : Monsieur Farce, " La Méprise "


" M. FARCE - C'est un mauvais début. Mon nom n'est pas Force, mais Farce...
B - Et dans votre famille, peut-être allez-vous m'apprendre que tous s'appellent Farce ?
M. FARCE - Laissez-moi me souvenir. Ma famille, ma famille... Mais ma famille est morte ! Mais avant ça... Farce, Force... Peut-être une branche éloignée, il y a longtemps... Un clown sous la révolution... Un grognard sous l'Empire... Mais aujourd'hui, non. Soyez-en sûr, des Force y-en-a plus... Tous enterrés !
B - (à lui-même) Ça alors... Ça alors... C'est une affaire des plus obscures ; on dirait une erreur dans un problème de robinets. Ça fuit de partout. Atchou. Mais, mais... Ne nous embarrassons pas d'une coquille. Ce n'est pas un " o " au lieu d'un " a " qui doit nous émouvoir. Justice est inflexible et rusée. L'homme prend parfois l'effet pour une cause, mais rien ne saurait sauver une tête, lorsque la machine n'a plus toute la sienne. (Silence) J'ai un de ces "mal de crâne"...(Silence) Pour ainsi dire, l'affaire manque suffisamment de clarté pour ne pas la noircir encore. Un vrai sac de nœuds... ou de vipères... Je ne sais plus... On y plonge le poing, et on n'en sort pas... Ou les pieds devant... Et zut à la fin ! Est-ce que tout le monde ne s'appelle pas Farce ? (…)"



Extrait 2 : Monsieur Farce, " Le Débiteur extravagant "


" M. FARCE - (…) Ces " oh ! " déshonorent votre visage, vous font perdre la face. Enfin, faire " oh ! ", ça ne veut rien dire. Faire " oh ! ", fatiguer ses lèvres, déformer ses joues, que l'air y passe avec plus de violence... Rien ne plie devant un " oh ! ". Pas même une herbe, une brindille... Faire " oh ! " comme Éole devenu grotesque, " oh ! " comme " oh ! et puis zut ! ". " Oh ! " comme un monde qui s'éteint... Ces " oh ! ", comme ils arrivent, j'en ai le souffle coupé ! Non vraiment ! Tant de fatuité ensemble dans un visage, est-ce possible ! de grâce, oubliez les " oh ! ", car ce n'est pas comme ça qu'on recouvre un million.
B - Je l'avoue, je l'avoue, je préfère les " oh ! " aux " ah ! ". Est-ce si terrible ?
M. FARCE - Cher ami, je suis votre valet ! Mais un valet dit " oh ! " et un maître dit " ah ! ". "



Extrait 3 : Monsieur Farce, " Le Trou "


" M. FARCE - Longtemps, je me suis cherché. J'ai parcouru le monde. J'ai traversé les plus sombres jungles à dos d'autruche, j'ai connu des naufrages et des îles merveilleuses, j'ai rencontré des avaleurs de sabres, de grands criminels, de savants explorateurs, des femmes girafes, des matamores au corps percé d'une corne. Un jour, j'ai cru même me rencontrer à la page 28 d'un roman de Frizon-Roche. J'allai de déception en déception.
J'ai alors changé de sexe à plusieurs reprises. Sans y prendre plaisir, croyez-moi. Et puis, cela m'est apparu comme une évidence. L'échec de voyages incessants en quête de moi-même me fit comprendre la vanité du déplacement horizontal. La solution, cher ami, la solution était verticale ! Entendez-moi bien, absolument verticale ! "



Extrait 4 : Monsieur Farce, " la Fatigue "


" M. FARCE- (…) Un jour, j'ai dit assez. Un jour... On entendit un " ploc ! ". Un " ploc ! " bien distinct… C'était mon corps par la fenêtre ! Du troisième étage, je m'étais laissé tomber… "Ploc ! ". Un grand saut. J'avais sonné sur le trottoir. "Ploc ! ". Un bruit grotesque. "Les comme toi, Farce, ça ne meurt pas! ", me cria-t-on aux oreilles. Et on me releva à coups de bâton et de jambes de bois. Même la mort dédaigne les inutiles... Voilà, je suis le signe d'un vide horrible parmi les hommes. "


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