theatre-contemporain.net artcena.fr

Couverture de Mon ami Pierrot

Mon ami Pierrot

de Faubert Bolivar

Texte original : Mon ami Pyero traduit par Faubert Bolivar


Mon ami Pierrot : Extrait 1 

(p 97-99)

Avec l'aimable autorisation des éditions Passage(s), Libres courts

Ketura, comme sur le point de perdre la raison


Non !
Papa est mort.
Regarde !
Regarde les bêtises de papa sur le parquet.
Regarde !
Regarde la tête de papa sur le parquet.
Regarde !
Regarde le sang de papa sur le parquet.
Regarde !
Regarde le corps de papa sur le parquet.
Le corps de papa s'est fendu en deux comme une ravine.
Son sang ruisselle.
Un fleuve de sang épais qui force son corps à s'ouvrir pour se répandre avec une rare force.
Le sang de papa a emporté papa. Comme une rivière en crue, le sang de papa a charrié papa pour le jeter à la mer. Au secours ! Au secours ! Au secours !
Papa est mort !
Quand quelqu'un meurt, il meurt pour de bon, n'est-ce pas ? Papa est mort pour de bon, n'est-ce pas ? Il n'a rien laissé derrière lui. Il n'a rien laissé après lui. Il est parti avec tout ce qui restait. Il est parti avec tout ce qu'il y avait.
Au secours !
Tous les soleils qui se sont levés, se sont noyés dans le sang de papa.
Rivière. Source. Arc-en-ciel. Lune. Poupée. Jouets. Filles. Garçons. Fleurs. Sommier. Bannière. Mâts. Cintres. Manches de couteau.
Tout coule dans le sang de papa.
Au secours ! Au secours ! Au secours !
Papa est foutu !
Une histoire qui aurait pu être tellement belle, les mouches ont chié dessus, n'est-ce pas ? Un jour qui aurait pu être tellement beau, la mer a pissé dessus, n'est-ce pas ? Alors, tant pis ! Tant pis pour les mouches ! Tant pis si la mer a piétiné le pipi de papa !
Là où vous me voyez debout, je suis prête, entendu ? Je suis prête.
Je suis prête à mourir sans jamais grandir. Je suis prête à grandir enterrée. Je suis prête à jouer avec les vers sur mon nombril. Je suis prête à enterrer papa et toute sa race. Je suis prête à mourir comme papa. Je suis prête à sucrer l'eau de mer.
Je la boirai, l'eau de mer !
Je la boirai.
Je la boirai pour l'exemple.
Je la boirai jusqu'à la dernière goutte.v Ainsi, on dit que c'est moi qui ai tué papa ? On dit que c'est moi qui suis allée chercher le sang de papa pour le répandre au-dehors ? Vous qui m'écoutez, j'arrive à la ceinture de papa, comment aurais-je pu jouer dans sa barbe jusqu'à le couper en deux ? Jusqu'à fendre le corps de papa et forcer son sang à couler, courir loin de lui, aller vagabonder, jouer à corde à sauter avec l'eau de mer ?
Vous qui m'écoutez, où avez-vous déjà vu des enfants ouvrir le corps de leur père ? Vous qui m'écoutez, pensez-vous que j'aurais pu tuer mon père ?
Papa ! Papa !
Est-ce toi qui t'ai tué ?
T'ai-je tué, papa ?
Si je t'ai tué, où ai-je jeté ton sang ?
Si je t'ai tué, où ai-je caché ton souffle ?
Je ne t'ai pas tué, papa, non !
Je n'ai jamais eu de père. Jamais !
Je suis née d'un orage.
Je suis fille de l'orage.v Fille d'orage.


imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.