theatre-contemporain.net artcena.fr

Couverture de Mingus, Cuernavaca

Mingus, Cuernavaca

de Enzo Cormann


Mingus, Cuernavaca : Extraits


- schlérose amyotrophique, mammacita ! Le nom déjà, comme une décharge, quelqu'un racle mes os avec un tesson de verre, je sais qu'il y a quelqu'un, le mauvais oeil, ou quelque chose, un maléfice, où je ne sais quoi, j'étais venu à Mexico voir cette sorcière, Ponchita, vieille folle, butée comme dix ânes, « vous êtes malade senor, no embrujado », j'ai des ennemis, Ponchita, ils sont puissants, ils vont voir des sorciers en Afrique, ils ont déjà tué Éric, et d'autres encore ! « Ma magie ne peut rien pour vous senor, je ne suis qu'une vieille femme, adios ! Mammacita ! Mes nerfs grincent sous l'archet du grand Ming, l'autre Ming, le Ming des siècles et des siècles, le Ming définitif ! Cela existe vraiement tu sais ? C'est écrit, je l'ai écrit, ça ne s’usera pas si vite, mais je n'en tire pas gloire, avant peut-être, mais plus maintenant, je crois en une partition prè-existante, je ne crée rien, j'arrache des lambeaux de ciel, je lève un peu le voile, et ça s'appelle croire, car je crois foutredieu ! Appelle ça comme tu veux, maléfice, magie noire, quelle importance ? En une suprême connerie mettons, écoute-moi bien, quand on dit foutredieu c’est comme si on s’enculait soi-même d'accord ?


(…)



- Qu'est-ce qu'a été ma vie ? Un tas de concert que je ne revois pas, des enregistrements que je n'entends plus, des ambiances de travail, quelques images, le visage d'une vieille femme à New York dans la 42e, mon poing dans la gueule de Jimmy Knepper, un clin d’œil de Dexter Gordon sur la scène du café Montmartre à Copenhague, le regard de chat de Duke, une affiche de bal dans une cantina pourrie à Tijuana, Tampico, ou Veracruz, et la musique de Veracruz ! Le pouce droit magique d’un harpiste, et son sourire d’édenté, mon mariage avec Celia, la gueule de mon psychiatre à Bellevue en cinquante-huit, le chapeau beige de mon premier prof de piano, le regard échangé avec mon fils Eugène, aux percussions, sur la scène de Chateauvallon en soixante-douze, Dolphy un soir d’hiver à Chicago, une main de femme, la lisseur d’une jambe, une jupe qui vole, un rire idiot, le poids surprenant d’un revolver Magnum, un de mes disques sur un étal malingre aux puces de Rome, le coin de San Pedro Boulevard et de la Cent septième à Watts, la main de Art Tatum cherchant mon épaule, la voix de fausset de Fats Navarro, un rictus de flic lors d’une rafle dans un club de L.A., deux mesures raturées dans la troisième page ce « Cumbia and jazz fusion », une petite éraflure au flanc droit de ma basse, Sue surprise nue au sortir du bain, l’enterrement d’Eric, la porte d’entrée de mon loft à New-York.


imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.