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Mademoiselle Braun

de Ulrich Hub

Texte original : Fräulein Braun traduit par Françoise Delrue


Phénomène
Il a un charme mystérieux.
Il a une Mercedes noire avec chauffeur.
Il a un grand chien berger allemand.
Il a été en prison.
Il a écrit un livre.
Il a une façon de parler captivante.
Il a le soutien de l’industrie allemande.
Il a la croix de fer de deuxième classe.
Il a des relations avec des stars et des sportifs.
Il a une poignée de main ferme.
Il a reçu en cadeau de madame Bechstein un piano de concert.
Il a fondé un parti.
Il a une jolie nièce qu’il vénère par dessus tout.
Il a acheté une maison dans le beau site naturel de Berchtesgaden dans l’Obersalzberg.
Il a pour plat préféré les spaghettis à la sauce tomate.
Il a une moustache, on dirait qu’elle est collée.
Il a dit que j’étais la plus belle baigneuse du studio Hoffmann.
Il a des électeurs.
Il a des électrices.
Il a oublié sa badine en peau d’hippopotame au magasin et
Il a demandé voulez vous m’embrasser.
…/…
Il a dit qu’il était idéaliste et que le bien finirait par triompher.
Il a une moustache au goût d’eucalyptus.
Il a quelque chose d’un aventurier.
…/…
Il a dit que le sens du combat n’était pas le sens de la culture.
Il a vraiment quelque chose contre les femmes qui fument.
Il a rien de plus cher au monde que son toutou.
Il a mis pour moi sa culotte de peau.
Il a quelque chose contre la neige en hiver et la ferait volontiers interdire.
Il a ébranlé mon être de la tête aux pieds.
Il a enterré sa nièce car elle s’est brûlé la cervelle.
Il a pas de poil aux jambes.
Il a besoin de moi que pour la chose.
Il a rarement autant ri.
Il a beaucoup aimé sa nièce.
Il a dit : ça y est, je vous ai devinée.
Il s’est trompé sur mon compte.


LE BERGER ALLEMAND AIMERAIT NE PAS ETRE DERANGE. IL ECOUTE LE FÜHRER A LA RADIO DU PEUPLE. SES OREILLES SONT DRESSEES MAIS IL N’EST PAS TRES CONCENTRE. FINALEMENT IL S’ENDORT. IL FAIT UN TERRIBLE CAUCHEMAR.



III La dame dans le Bunker


Chancellerie du Reich à Berlin


1945
…/…
Je le savais que je porterais son nom un jour ou l’autre.
Désormais c’est moi la femme la plus importante d’Allemagne.
Un de ces jours ils tourneront peut-être un beau film couleur sur nos derniers jours dans le bunker mais toi, tu n’y feras pas bonne figure.
Vilain, vilain chien !
Bang !
Encore une attaque, on dirait !
Les russes sont sans doute déjà au-dessus de nous dans le jardin de la chancellerie.
Mais qu’ils ne se gênent pas pour tout brûler et tout détruire, absolument tout.
C’est maintenant que le peuple allemand tout entier vient d’être effacé de l’histoire.
Je pense qu’à présent, quand il me prend dans ses bras, dans l’état où il est, je suis moi très proche de lui. Et il est à moi sans réserve.
Et j’ai apporté de la noce quelque chose pour toi.
Viens ici.
Viens.
Tu viens la voir Eva ?
Voilà.
Sage.
Assis.
Bien sage.
Voilà ce que j’ai pour toi.
Pour le chien chéri du Führer.
Il t’a toujours tant aimé.
Hein, tu le sais bien.
Regarde moi.
Ne tourne pas la tête.
Tu vois ça ?
A l’intérieur il y a du poison.
Hein, tu comprends tout ce que je te dis.
Cy-a-nu-re.
De la part de tonton Himmler pour Eva et son maître.
Et Blondi elle aussi elle doit essayer pour voir si ça va marcher. Car tonton Himmler lui aussi, la preuve est faite, il est devenu un sale traître. Et dans notre dos il est déjà en train de traiter avec les américains. Mais si.
Tu me comprends, hein.
Regarde-moi.
Regarde-moi.
Avec tes grands yeux.
Bientôt tu ne me regarderas plus.
Sage.
Mais tout peut arriver. Il se pourrait que l’oncle Himmler il tire dans les pattes à son maître et à Eva. Et alors ce n’est qu’un somnifère dans la gélule. Puis Le maître ressuscitera dans les bras de son Eva et il regardera le russe en face. Le Russe qui rit. Et qui nous emmènera à Moscou pour nous exhiber dans un zoo.
Ouvre la bouche.
N’aie pas peur.
Une grand chien berger allemand ça n’a pas peur.
Et je t’apporterai tes petits chiots dans un petit panier. A quoi ça me sert ici dessous d’être devenu championne de tir au pistolet si plus aucun homme ne veut se mesurer à moi. Ils ne se rendront compte de rien. Ils sont comme les enfants de Goebbels. Ils se figurent eux aussi qu’ils partent demain pour leur plage favorite en Poméranie.
Hein, tu comprends tout ce que je te dis.
Gentil chien.
Stupide chien.
Couché !
Ouvre la gueule.
Tu vas l’ouvrir ta gueule ! Aïe !
Voilà.
C’est ça.
Tu vois.
Tiens regarde.
Regarde moi.
Ne te retourne pas.
Tourne la tête vers moi.
Le maître n’est pas là. Le maître il pleure dans la pièce à côté.
Ca fait longtemps qu’il a fait son testament.
Tu ne le verras plus jamais.
Voilà.
Maintenant tu veux bien me regarder.
Tu sais quoi, je vais te mettre la gélule dans un morceau de foie.
Ce sera moins amer comme ça.
Tu vois.
Maintenant tu me regardes.
Je veux voir tes yeux quand ils vont se révulser.
Tu ne dois pas être triste.
Demain moi aussi j’en prendrai du cyanure.
Vas-y mords.
Plus fort.
Hein que c’est bon.
Comme ça va vite.
Expéditif.


LE BERGER ALLEMAND EN A ASSEZ.
IL FAUDRA BIEN QU’UN JOUR CA CESSE


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