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Les Liaisons dangereuses : « Une machine de guerre »

par Christine Letailleur

Laclos commença à rédiger, vers 1778/79, son roman épistolaire qu’il intitula « Le Danger des Liaisons » mais qu’il publia, en 1782, sous le titre « Les Liaisons dangereuses ». Le roman fit scandale et provoqua un flot de commentaires. La marquise de Conflans aurait confié « avoir fermé sa porte à Laclos », avouant « qu’elle aurait eu peur de se retrouver avec lui » ! Restif de la Bretonne note, avec ironie, que « des jeunes filles se prostituèrent pour obtenir une copie des Liaisons dangereuses après que leurs mères leur avaient interdit de lire le livre ». On a dit même que la reine, Marie-Antoinette, en gardait un exemplaire dans une reliure rendue discrètement anonyme...


Après la mort de Laclos, le roman tombe dans l’oubli. Au XIXème siècle, il est rejeté par la critique littéraire qui le regarde comme « une oeuvre licencieuse mineure, produit douteux de la culture agonisante de l’Ancien régime ». A plusieurs reprises, il est poursuivi pour son immoralité, interdit à la vente et à la diffusion. Même si Baudelaire, Nerval, les Goncourt se repenchent sur le roman, il faudra attendre les années 1930 pour que Malraux et Gide le fassent redécouvrir. Aujourd’hui, l’ouvrage, qui retrace les manipulations et les perfidies de deux aristocrates libertins, est considéré comme une oeuvre majeure de la littérature française du XVIIIème siècle – l’un des plus grands et l’un des meilleurs romans de la langue française selon André Gide – il est largement diffusé et paraît à la Pléiade en 1979.


« Après avoir fait plusieurs adaptations dont, pour les plus récentes, « Hinkemann » d’Ernst Toller, « Phèdre » de Ritsos, « Le Banquet » de Platon, j’ai choisi de revenir au XVIIIème siècle avec Laclos. J’avais déjà, en 2006, adapté et mis en scène « La Philosophie dans le Boudoir » de Sade. Le XVIIIème siècle est un siècle que j’affectionne tout particulièrement et l’oeuvre de Laclos me passionne en son entièreté : son esprit, son intelligence, sa fable, sa construction, son intrigue, ses personnages mais aussi sa langue, son style, son rythme narratif. D’autre part, la cérébralité du texte me plaît beaucoup. Chez le libertin, tout est dans l’art du langage ; Valmont et Merteuil se plaisent à se mettre en scène dans leurs récits, à se raconter leurs exploits, à s’écouter. Mise à part, quelques scènes libertines de Valmont, l’oeuvre fait montre d’un érotisme de tête... Enfin, l’épistolaire est un matériau sur lequel j’avais envie de me pencher en tant qu’adaptatrice.


Laclos a conçu un roman brillant et fort : il a fait de la séduction et de l’amour, un champ de bataille. Le roman est toujours d’actualité et soulève encore, aujourd’hui, des questionnements sur le rapport amoureux ; au fond, les dilemmes de l’amour que révèlent les personnages de Laclos restent encore les mêmes aujourd’hui... Comme le dit très justement Biancamaria Fontana : « Le roman est construit sur un modèle géométrique, sobre, classique, concis, époustouflant par son rythme narratif qui ne laisse aucun espace vide. Certains l’ont comparé à une forteresse, à un iceberg, à une machine de guerre. »



Christine Letailleur, Juin 2013


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