Les Vacances (J.C. Grumberg)

Le Père : Je te connais va : ce que tu aimes toi c'est rester assise toute la journée sur ton cul en soupirant que c'est long, c'est ça les vacances pour toi.

La Mère : C'est toi qui veux jamais te balader.

Le Père : Me balader ? Me balader ? T'as vu l'état des routes, t'as vu les pourritures de bagnoles qu'on nous loue, et t'as vu comment ils conduisent tous ces rats, tu veux qu'on se tue c'est ça ? Tu veux qu'on se tue ? Tout ça pour aller voir tes foutues ruines, j'en ai rien à foutre moi des ruines, t'entends, rien à foutre, ce que j'aime moi, ce qui m'émeut, c'est la nature, la nature, tu comprends ?

La Mère : On pourrait se balader à pied.

Le Père : A pied ? Où ? Quand ? Comment ? Le long de la mer ? C'est plein de sable et de caillasses et couvert de boches à poil qui se font bronzer les couilles au milieu de papiers gras dégueulasses, c'est beau ça hein ? Si j'emmène pas mes gosses voir des films pornos, c'est pas pour les obliger à se rincer l'œil sur tous ces gravats !...

La Mère : Y'a pas que le bord de la mer, on pourrait se balader un peu dans la campagne, le soir par exemple, c'est la nature la campagne non ?

Le Père : Alors j'aurai traversé la terre, je me serais fait marcher dessus par des milliers de cons, je me serais battu pour avoir de bonnes places dans vos saloperies d'avions, j'aurais été bouffé par les moustiques, j'aurais attrapé la chiasse, des coups de soleil et une laryngite en essayant d'obtenir la pourriture de chambre qu'on nous a soi-disant retenue depuis Paris et tout ça pour quoi ? Pour faire quelques pas dans la campagne ?

La Mère : Dans l'arrière pays y'a de très jolis coins…

Le Père : Tu ignores peut-être que c'est en France qu'il y a la plus belle campagne du monde !

La Mère : Je sais bien mais comme on n'y va jamais non plus…