CORYPHÉE

Dans les bois, la Galipotte a surgi,
Qui est-ce qui se cache dans sa peau
Enfants, ne dormez que d’un oeil.
Si vous êtes perdus dans la forêt,
Enfants, cachez vous dans les fourrés
Si vous entendez son miaulement
De chat-huant. On a vu des empreintes
Un peu partout. Elle vient vous chercher
Pour avoir son comptant de chair
Et de sang, cachez-vous dans les buissons.
Son souffle aux fenêtres laisse trace,
Buée d’une bouche aux vitres.
Où vous emporte-t-elle la Goule
Enfants, serrez-vous, bien cachés
Les uns contre les autres dans les fourrés.
Ceux qui reviennent ne parlent jamais
Plus de ce qu’ils ont vu. Enfants si vous vous laissez prendre
dans ses griffes
Plus les mêmes jamais plus ne serez.
Par elle ne vous laissez pas emporter.
Où sont les beaux récits laissés en plan
Où l’on triomphe sans peur du Mal,
Et où l’on sait que le Mal a le visage qui lui ressemble.
Où sont, enfants, les beaux récits laissés en plan,
quand les gestes merveilleuses s’écaillent, tombent en morceaux
de couleurs feintes?

JEAN

La terre, je leur laisse, la terre
Celle qu’on chante, qu’on exalte ne m’est rien.
Mais tel bouleversement d’une lumière sur un visage
Oblique, telle fontaine devenue le lieu d’une rencontre
Avec les morts, le rythme des saisons interrompu
Par ce piétinement. L’Histoire. Je suis ce chemin
Près de l’aqueduc jusqu’au barrage en construction,
La nuit vient, les formes se voilent, les chaumes
Cèdent la place à de petits bois,
Je suis né ici, mais rien ici ne m’appartient
Que ce sentiment de marcher jusqu’à me perdre,
Que d’être là face à ce qui ne peut se saisir
Et parfois présent un instant, bientôt défait
Par ce qui le traverse et me traverse.
La terre je leur laisse, je ne suis que de passage,
Sur elle, et dessous les os blanchissent pour rien.