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Couverture de L'Amérique

L'Amérique

de Serge Kribus


L'Amérique : Extrait

Babar : Je suis en deuxième année de médecine.


Jo : Médecin ? C’est bien.


Babar : Mes parents voulaient que je fasse des études. Je me suis inscrit.


Jo : Oui, mais t’as choisi médecine.


Babar : J’ai pas choisi. J’ai pris ça comme ça. Ca gueulait à la maison. Mon père, il arrête pas de gueuler tout le temps. Qu’il a pas eu la chance que j’ai eue, que je ne peux pas me plaindre, que lui, il a pas pu faire d’études, que je dois avoir des bagages. Des bagages, des bagages, j’entends parler que de ça, de bagages. Ca aurait pu me donner au moins le goût du voyage, même pas ! J’ai rien choisi.


Jo : On est sortis. Tu marchais vite. Y avait du vent. Le jour tombait. Le ciel devenait violet.(A Babar.) Je voulais pas te vexer.


Babar : Pourquoi tu me suis ? Je t’ai rien demandé. J’t’emmerde. Voilà, ça c’est un choix !


Jo : C’était notre première rencontre. Tu m’as tout de suite plu. On a marché un long moment. Tu marchais devant, moi derrière.


Babar : T’as pas une clope ?


Jo : On s’est assis sur les quais.


Un long temps.


Babar : Et ta famille ?


Jo : J’ai pas de famille.


Babar : Tout le monde a une famille.


Jo : Moi pas. Je suis seul et j’ai grandi seul. J’ai arrêté l’école il y a déjà quelque temps.


Babar : Et qu’est-ce que tu fais ?


Jo : Je bricole. Je me balade. Je regarde les filles. Quand j’étais môme, y avait un truc que je rêvais de faire.


Babar : C’était quoi ?


Jo : Médecin.


Babar : Tu te fous de moi ?


Jo : Non, je rêvais de ça. Médecin. Tu vois du monde. Tu vas chez les gens. Tu vois comment ils vivent. Tu les écoutes, tu les consoles, quand t’as du bol tu les guéris.


Babar : C’est pas comme ça la médecine.


Jo : La mienne, elle aurait été comme ça.


Babar : L’eau de la Seine était noire.


Jo : Tu crèches où ?


Babar : Je suis pas d’ici.


Jo : T’es d’où ?


Babar : Je suis belge.


Jo : Ah bon ! Et tu vis en Belgique ?


Babar : A Bruxelles. Arrête de te marrer, t’es con ou quoi ?


Jo : Je crois que j’avais jamais vu de Belges. A part à la télévision. Et qu’est-ce que tu fous ici ?


Babar : Je m’emmerdais. Je voulais voir Paris. J’étais jamais venu.


Jo : Comment tu trouves ?


Babar : C’est grand.


Jo : Paris, c’est ma chambre.


Babar : Elle est où la Tour Eiffel ?


Jo : Par là. Tu dors où ?


Babar : J’sais pas. C’est à quelle heure le dernier train pour Bruxelles ?


Jo : A cette heure-ci, je crois qu’il y en a plus.


Babar : Je devrais téléphoner à mes parents.


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