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L'Alternative ambiante

L'Alternative ambiante

de Gilles Clément

Présentation

Au moment où la notion d'écologie se répand et fait l'objet d'enseignement scientifique - vers le milieu du XXe siècle - le sentiment de dominer la Nature, assurer la production vivrière, nourrir la population et en finir avec la misère est à son apogée. Au sortir de la seconde guerre mondiale un déploiement publicitaire de produits issus de l'industrie chimique et du machinisme agricole assure la population médusée d'un avenir riant car tout, enfin, est maîtrisé. L'écologie naissante se trouve en opposition directe avec la pensée dominante qui, elle, continue de voir la planète comme un terrain d'exploitation performant, illimité, inépuisable. Le monde scientifique, attelé aux observations méthodiques des écosystèmes, découvre leur fragilité et, propose dans l'indifférence générale, la notion de finitude écologique. Cette pensée, révolutionnaire et traumatisante, place l'humanité au-devant d'une responsabilité nouvelle : se porter garante de la vie sur la planète. L'exploitation du territoire modifie la qualité des milieux. On sait que tout fonctionne au sein d'un système clos : recyclage permanent de la biomasse, de l'eau et de tous les éléments agrégés sous des formes classiques ou nouvelles. En dépit de ce savoir affirmant à la fois la performance et la fragilité des écosystèmes, la gestion du territoire transforme qualitativement les milieux au point de les rendre stériles, improductifs ou toxiques. L'effondrement du nombre d'espèces représentatives de la diversité biologique ajoute à l'inquiétude générale. Le Jardin planétaire, espace clos, demande en urgence à changer de jardinier. Quelques voix s'élèvent pour argumenter sur la nécessité d'un tel changement. Les slogans de 68, les discours de René Dumont en 1974 ne parviendront pas à infléchir le cours d'une mécanique trop bien engagée. Le productivisme, le consumérisme, tous deux assis sur la Bible, déploient un arsenal de séduction et de propagande : il faut chasser l'écologie des esprits infiltrés par la science inconsciente et sectaire, la Bourse en dépend. Et pour certains, on le sait, la Bourse signifie la vie. Là aussi il y a urgence. Qu'un concept parvienne à ébranler à la fois les croyances et l'économie ambiante cela ne saurait se tolérer. À considérer le phénomène «écologie» avec distance on mesure combien il ne peut s'agir d'une simple production - quasi logique - de la pensée scientifique mais bien plutôt d'une pensée bouleversante dans l'histoire du rapport de l'Homme à la Nature, dans l'histoire humaine tout simplement. Il constitue en soi un avènement dont les sociétés commencent à peine à mesurer l'importance et la profondeur.

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