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J'éprouve

La Farce tragico-punk de l'Illustre Léon

de Léon Masson


MELCHIOR: -Allez: dansez les idiots ! Dansez ! Musique, musique, j'ai dit !


BALTHAZAR: -Non ! Non, ne faites pas ça. Faites pas ça ! Chut... Chut. C'est dans le silence justement, dans le silence, sur le long lac de silence. C'est dans le petit caillou jeté dans l'eau et les ondes de tristesse et d'attente qui, d'un coup, vous enrobent tout le corps de courbes de feutrine. C'est dans ce bain de caresses, à pas feutrés, dans le ronronnement du chat, dans cette écharpe qui s'enfonce au fond de votre gorge, quand vous en perdrez jusqu'au dernier souffle, c'est à cet exact instant que son image valsera sous vos paupières. Il va venir, messie à la parole de feu. J'y crois. J'y crois aussi.


GASPARD: -Il y croit. Il l'a dit : il va venir. Bismilah! Alléluia!


MELCHIOR: -Non. Non ce n'est pas vrai !


BALTHAZAR: -Il va venir, oui! Il va venir, mais cela pourra durer des journées entières, peut-être même des années, peut-être même toute votre vie. C'est quand vous serez vieux, sur le rocking-chair, à vous concentrer sur le bois de la chaise qui pulvérise la poussière qu'il apparaîtra. Ou après des semaines d'alcoolisme quand le corps ne suit plus qu'il apparaîtra, claque du désir, hébétée de lumière. C'est quand vous écouterez la cire de la dernière bougie, qui goutte à goutte vous a bouffé le temps, que brusquement elles s'écrouleront, ces lèvres géantes de la parole divine. Elles seront là, au centre de tous ces chemins emmêlés d'amour. Il va venir, j'y crois, j'y crois aussi.




LE BOUFFON: -Regardez : cela coule en elle, ça y est, cela déborde déjà, de longue traînées rouges dessinent l'espace. Elle perd les eaux, une tête sort de son sexe, elle donne vie. Violemment, sous les viols d'un vent trop ivre, elle donne vie, à la contorsion de tous les mondes, elle accouche.


L’HOMME TRONC: -Expire... 14 secondes... Cela passe par la faille


LA MADONE: -J’ai peur, fait nuit, j’éprouve


GASPARD: -L’embryon, le foetus, la naissance


BALTHAZAR: -Inspire... Expire...


MELCHIOR: -Allez pousse... Pousse!


La madone: de ses lèvres inférieures sort un premier tas de chair qui glisse, valse sur le sperme et le sang, et le liquide séminal.


L’HOMME TRONC: -Inspire... 12 secondes... Cela éclot


LA MADONE: -Ciel se vide, mon ventre aussi, j’éprouve


GASPARD: -le nourrisson, le bébé, le petit enfant,


BALTHAZAR: -Expire... Inspire...


MELCHIOR: -Pousse... Pousse!


Dans un hurlement, la madone sort un deuxième tas de chair qui se cogne au premier.


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