Gengis : Tu sais, mon peuple, étrangement, ne semble pas avoir de possessions. Pourquoi est-ce ainsi ?

Tonton : Parce que nous ne lui en vendons pas.

Gengis : Mais ils ne font rien que d'acheter des choses.

Tonton : Non, pas à strictement parler, pas des choses en tant que telles.

Plutôt des riens, mais avec les noms de ces riens écrits dessus. C'est le nom qu'ils achètent.

Gengis : Mais où sont tous les riens... il doit y en avoir une énorme quantité... éparpillés partout ?

Tonton : Non. Nous avons conçu les riens pour qu'ils s'autodétruisent en seulement quelques semaines, laissant plein d'espace pour l'achat de nouveaux riens pour les remplacer.

Gengis : Et pourtant il semble rester remarquablement peu d'espace.

Tonton : Oui, il y a la petite question des débris. Oh oui, nous disséminons les débris de tous côtés, aussi près du Nigéria que nous pouvons. C'est une solution globale pour une planète globale.

Gengis : Ne vaudrait-il pas mieux que nous fassions moins de riens pour sauvegarder le peu d'espace qui nous reste ?

Tonton : Non, au contraire, nous devons accélérer le rendement de la production des riens ; c'est une question assez urgente.

Gengis : Une question urgente ? Pourquoi donc ?

Tonton : Parce que les matières premières s'épuisent.

Gengis : Les matières ? Pour faire des riens ? Pas possible ?

Tonton : Oh si, on utilise beaucoup de matières, et elles s'épuisent vite.

Gengis : Ah oui ?

Tonton : Oui, il n'y en aura plus du tout en août 2038 pour être précis. Donc il n'y a pas de temps à perdre. La croissance c'est ça dont nous avons besoin, aucun doute là-dessus.

Gengis : Non, nul doute là-dessus.

Tonton : La croissance, la croissance, la croissance.

Gengis : Oui ! oui ! oui ! Nous ne voulons pas que l’économie se resserre non ?

Tonton : (il hurle) Rien que d'y penser !

Gengis : Mettons-nous d'accord pour ne plus jamais parler de ça.

Tonton : Pas même une seconde nous nous demanderons si la croissance est une bonne chose.

Gengis : Jamais, jusqu'à ce que l'obscurité éternelle recouvre la terre et que l'homme ait disparu.

Tonton : Ça lui fera les pieds.

Gengis : Quel connard.

Tonton : Oui.

Extrait de Gengis parmi les pygmées de Gregory Motton - Scène 8.