La première fois que j’ai dit à ma mère : - maman, je suis devenu acteur – elle m’a répondu en dialecte : mais quel acteur Pippo ?
Tu avais presque terminé l’université, tu étudiais l’économie, tu pouvais gagner de l’argent, on a toujours besoin d’argent..
Et toi, tu commences à faire l’acteur !
Et puis, je lui ai dit : maman, je suis devenu metteur en scène, aussi.
Mais quel metteur en scène, Pippo !
Tu pouvais trouver une belle fille et te marier, comme tout le monde, comme tous les gens normaux …. Mais non, toi tu fais le metteur en scène.
Mais maman, je fais beaucoup de choses, il y a beaucoup de gens qui m’aiment, tu devrais être fier de ton fils.
Et ma mère, et puis Pippo, tu ne vas plus à l’église, tu ne fais pas la confession, la communion… Pippo, regarde toi, qu’est ce que tu es devenu, rien !
Quand tu étais petit, tu passais toute la journée à l’église, tu avais les cheveux blonds et tout le monde disait : qu’il est beau cet enfant, il semble un ange
Mais maman, on ne peut pas passer toute sa vie à l’église, il y a d’autres façons de faire quelque chose pour les autres.
Et puis Pippo, regarde toi, comment tu es habillé, avec ces souliers, ce pantalon qui tombe, cette chemise, ces cheveux longs, cette barbe…tu sais à quoi tu ressemble Pippo ?
Tu me sembles un clochard !
Et puis l’année dernière, il m’est arrivé une chose terrible : je me suis retrouvé dans un trou noir. J’ai commencé à avoir peur de tout. J’ai commencé à avoir peur de mourir.
Et alors, je ne mangeais plus, je ne dormais plus, je ne riais plus.
Je passais toute la journée comme ça, sur une chaise.
Et j’appelais à l’aide tout le monde : Pepe, ce mec là, mes parents, mes amis.
Et par exemple, Pepe, le soir, pour me donner du courage, qu’est ce qu’il faisait ? Il me lisait Beckett et moi je me disais : je vais voir si je suis vraiment devenu fou.
Alors j’allais par les rues, dans la petite ville où j’habite, à Loano, en Italie et j’arrêtais les gens en leur disant : excusez moi, madame, mais je me sens tellement malheureux ! et ils me répondaient : Eh tout le monde est malheureux dans la vie.
Ou bien à Loano (Loano est une petite ville sur la mer pleine de touristes) quelqu’un me répondait : pardon, je ne suis pas d’ici .
Alors, comme disait ma mère, je suis devenu vraiment un clochard et je me suis dit, je vais chercher les clochards.
Je suis allé dans la rue, sur les places, à l’hôpital psychaitrique. Et j’ai trouvé des gens, qui, je ne sais pas, peut être parce qu’ils ont beaucoup souffert, qui me semblaient plus heureux, ou bien, ils me faisaient sentir plus heureux à moi.
Et puis, une nuit, il est arrivé une chose très spéciale. Je ne pouvais pas dormir, et alors je me suis dit : je vais voir un film.
Et j’ai vu le film de Fellini « Les Clowns ». Au début, je voyais ces clowns, ces femmes grosses et j’étais encore plus triste.
Et après, je ne sais pas, peut être que je me suis rappelé quand mon père m’emmenait au cirque, j’ai commencé à rire, rire, et c’était la première fois que j’ai recommencé à rire.
Et puis je suis sorti. C’était l’aube. Il y avait un champ plein de fleurs. Et bien, à ce moment là, j’étais vraiment heureux.
…..Et pour finir, je voudrais vous raconter l’histoire d’un clochard de Gênes. Il allait à travers toute la ville et avait, avec soi, seulement une valise.
Quand ils l’ont trouvé mort, ils ont appelé sa sœur, qui ne le voyait plus depuis plus de 50 ans. Elle pensait qu’il était mort durant la guerre en Afrique.
Ils lui ont demandé d’ouvrir la valise. Dedans, il y avait tout ce que Bernado Quaranta, ainsi il s‘appelait, possédait.
C’était ses poésie, avait écrites sur le papier hygiénique,les cartons. Des poésies que lira Pierino, le musicien.
Et je pense, que ce spectacle est un peu dédié à Bernado Quaranta. »