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Autopsie du gibier

Autopsie du gibier

de Samuel Gallet

Écrit en 2007 - français

Présentation

Stan, Laya, Irène et Khaïs : les noms des quatre anti-héros de la pièce résonnent et claquent, sifflent avec la même sécheresse que l'environnement en lequel ils retrouvent égarés, épinglés, autant que la première phrase du dialogue qui ouvre le texte : "qui a la famille la plus riche ici ?". Il est certain, de toute façon que, sur ces quatre là, depuis toujours, rien ni personne n'a pu avoir de prise. Rien ne leur a obéi, rien ne leur a souri. Leurs parents ne leur ont donné que le goût et l'envie de fuir.

« Je parle de CECI. CECI, mon état d'infériorité collectif. CECI, qui m'agresse dans mon être et ma qualité d'homme espèce et spécifique. En dehors tout ensemble qu'en dedans. Je parle de ce qui sépare. CECI, les conditions qui me sont faites et que j'ai fini par endosser comme une nature. CECI, qui sépare le dedans et le dehors en en faisant des univers opaque l'un à l'autre. » Gaston Miron Notes sur le non-poème et le poème (L’homme rapaillé, Nrf Gallimard )

Quelque chose a t-il eu lieu ? Qu'est-ce qui a lieu ? Quand est-ce le présent ? Quand est-ce que cela enfin commence ? Qu'est-ce que j'ignore dans l'habitation du monde qui est la mienne et qui pourtant me constitue ? Urbanité, atomisation, statuts sociaux, identités, nationalités ? Comment révéler ce que l'emprisonnement des uns produit inéluctablement dans la vie des autres ? (Comme l'énonce Olivier Neveux dans son livre Théâtre en Lutte ( Ed. La Découverte) ) Recherche d'un théâtre donc non du constat, du tableau de mœurs folklorique, de la lamentation, mais d'un théâtre de la tension vers, de la non-résidence. Agir mais pas seulement sur une scène de théâtre, pas seulement la question de la pertinence de l'action sur une scène de théâtre, mais celle de la méthode de participation au monde tel qu'il va, de la tentative d'habiter le monde tel qu'il va. Ici, dans cette courte pièce (néanmoins importante dans mon cheminement), on ne sait d'abord pas si il y a eu action avant et si il va y avoir action après. Ils en parlent, c'est ça exactement, ils parlent –tu parles – et on peut douter du reste, comment savoir ? Dans Autopsie du Gibier, les personnages flottent, loin au-dessus de l'action, loin de la vie quotidienne, de la vie sociale (apparence promise au massacre), et si ailleurs, oui sans doute, tout les autres vivent, aiment, saisissent quelque chose de tangible en des gestes peut-être singuliers et personnels, eux ( Laya, Stan, Khaïs, Irène ) imitent, tournent autour d'une action véritable qui pourrait être porteuse, qui saurait les rendre concrets, vivants, inscrits, quelque peu. Dans cette vraie-fausse prise d'otage, il s'agit de mimétisme, mimétisme d'un trop de réel représenté ad nauséam, mimétisme comme ce qui souvent amène à brûler des voitures, comme on représente en référence permanente. Ce que j'ignore et qui pourtant me constitue. Cycle de passage à l'acte et d'abattement. Fatigue nerveuse, lutte des personnages contre leur propre disparition tant fictionnelle que théâtrale. L'origine c'est la panique. Et pourtant tous appellent l'avenir. L'action commise ou tentée ou fantasmée exprime la volonté de chacun - soit claire et consciente ( chez Irène ) soit informulée ( Chez Laya ) - de rompre avec une certaine réalité - dans laquelle ils ne sont que Victimes en puissance - de se couper toute possibilité de retour en arrière. A partir de cet instant - et Laya l'accepte - chacun d'entre eux se retrouve entraîné dans un processus collectif irréversible qui les engage les uns par rapport aux autres (Nous sommes liés), et derrière le mimétisme, l'impersonnalité de l'acte, un choix singulier est fait, tous deviennent acteurs. Acte anecdotique, isolé, et seulement criminel ? Création d'une nouvelle communauté contre l'atomisation sociale ? Ou je tue le monde ou le monde me tue ? Peut-être deviennent-ils alors ou deviendront-ils dans d'autres figures, dans d'autres pièces, assaillants de cette Histoire qui pour le moment les nie.

Nombre de personnages

  • 2 homme(s)
  • 2 femme(s)
  • Autorisation de traduction

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    Complément d'information

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